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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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longs et la courbe des
dômes plus abstraitement calculée, l’accueil du temple est plus
réservé, l’ivresse mystique moins lourde. Dans le Sud, ce qui
parlait, c’est l’âme profonde de l’Inde, une rumeur sauvage montant
de toute la durée d’un peuple pour éclater spontanément sur toute
son étendue. Ici, la voix des hautes castes domine les chœurs
populaires avec d’autant plus d’éclat, de majesté et de puissance,
qu’elles ont poussé sur le sol indien comme une végétation
naturelle et qu’elles ont su construire la synthèse philosophique
la plus grandiose que l’homme ait jamais conçue.
    La richesse sensuelle du Sud, épurée par
l’esprit métaphysique et rendue plus rare par l’esprit
aristocratique se retrouve, dès qu’on a franchi le seuil des
sanctuaires, dans le détail de l’ornementation. Les temples djaïns
de l’Inde moyenne, dont les piliers ouvragés comme des verreries et
la dentelle des arcatures soulèvent dans le ciel des forêts de
coupoles blanches, expriment encore, il est vrai, malgré la science
trop minutieuse de leurs décorateurs, une foi vivante. Mais dans
les monarchies du Nord, la vanité des rajahs a recouvert
l’enthousiasme des artistes d’un vêtement si fastueux qu’il perd,
avec sa nudité, le meilleur de sa valeur humaine. Il y a des
temples gorgés de dieux d’argent et d’or dont les yeux sont des
rubis ou des diamants. Dans l’ombre, des gouttes de feu tombent, la
robe royale des tigres, les plumages versicolores des forêts
tropicales, leurs fleurs, la queue rutilante des paons, incrustent
d’émeraudes, d’améthystes, de perles, de topazes et de saphirs
l’écorce de métal, d’ivoire ou d’émail qui couvre les piliers et
les murs. Art extérieur, gloire et magnificence immobiles, et d’une
lumière plus pâle que les statues vivant dans l’obscurité
souterraine. L’esprit de l’Inde féodale est plutôt dans les grands
châteaux rectangulaires, défendus par de hautes tours, nus,
austères, fermés comme des forteresses, cuirassés d’émaux
polychromes, ou dans ses palais de marbre blanc sur le silence des
eaux.

V
    L’Occident médiéval, l’Occident des châteaux
forts et des édifices romans est à coup sûr moins dépaysé dans
l’Inde hiérarchique du Nord que dans l’Inde démocratique du Midi.
Là, comme ici, l’abstraction descend des classes dominantes pour
écraser les classes misérables sous le symbole pétrifié de sa
puissance extérieure. Mais l’Occident hellénique, où l’abstraction
montait des masses, au contraire, pour exprimer sa puissance
intérieure par la voix des héros, l’Occident hellénique, l’Occident
gothique aussi, retrouveraient plutôt la trace de leur rêve s’ils
marchaient à la suite du torrent des idées qui franchit les
montagnes, les marécages, les forêts vierges et la mer pour se
répandre jusque dans la presqu’île Indochinoise, jusque dans
l’Insulinde, jusqu’à Java qu’il recouvrit de temples gigantesques.
Autour de cette mystérieuse race khmer, surtout, qui sema le
Cambodge de forteresses, de palais, de temples absorbés peu à peu
par la jungle, la nature, malgré l’épaisseur des bois, était moins
écrasante peut-être, les taillis certainement moins redoutables,
les fruits plus abondants, les fleuves plus poissonneux, la vie
plus facile et plus large. De plus, l’esprit métaphysique et moral
de la Chine était venu tempérer la trouble et pesante atmosphère de
la nature tropicale. Enfin, cinq ou six cents années après la
disparition du bouddhisme de l’Hindoustan, vers le X e siècle de notre ère, peut-être, le peuple khmer, comme le peuple de
Java chez qui la sculpture décorative de l’Asie orientale, poussant
un de ses rameaux les plus chargés, fleurit du haut en bas les
monuments en bas-reliefs mouvants comme des peintures où l’épopée
morale du Bouddha se déroulait parmi les bêtes, les forêts
embaumées regorgeant de fruits et d’oiseaux, les chœurs, les
musiciens, la grâce nonchalante et lascive des femmes qui prient et
dansent et peuplent de rêves abondants le sommeil enivré du dieu,
le peuple khmer était toujours bouddhiste et témoignait de
préoccupations d’équilibre moral et d’harmonie à peu près inconnues
aux sculpteurs des grottes d’Ellora et des temples pyramidaux.
    L’orgie ornementale, certes, n’alla jamais
plus loin. Il le faut bien, car la forêt est encore plus touffue,
plus fleurie, plus

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