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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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vitale oscille entre le V e et le
XV e siècle de notre ère, son déclin commence à l’heure
où l’Occident va façonner l’histoire. Mais il faut y regarder de
près pour distinguer l’une de l’autre ces phases de son action. Les
témoignages matériels qui nous parviennent de son époque légendaire
ne diffèrent pas très sensiblement de ceux qu’elle fournit de nos
jours mêmes et son plus vigoureux effort ne paraît coïncider avec
le Moyen Âge occidental que pour mieux démontrer, par les passages
insensibles qui l’attachent à son passé et à son présent, qu’elle
n’est jamais sortie de son propre Moyen Âge et que nous ignorons
quand elle y est entrée. En réalité, c’est le monde intérieur des
Chinois qui ne s’est jamais ouvert pour nous. Nous avons beau
sentir chez eux une civilisation sociale plus parfaite que la
nôtre, nous avons beau admirer en eux les résultats d’un effort
moral qui fut aussi grand que le nôtre. Nous ne les comprenons pas
toujours mieux que les fourmis ou les abeilles. C’est le même
mystère, très effrayant, presque sacré. Pourquoi sommes-nous ainsi
faits que nous ne puissions concevoir que notre propre mode
d’association et notre seul mécanisme de raisonnement ? Que le
Chinois nous soit supérieur, qu’il nous soit inférieur, c’est ce
qu’il est impossible de dire et le problème, ainsi posé, n’a pas de
sens. Il a suivi une évolution que nous n’avons pas suivie, il
constitue un deuxième rameau de l’arbre humain qui s’est écarté du
premier sans que nous puissions savoir si leurs branches se
rejoindront.
    Le monde indo-européen, de tout son instinct,
se dirige vers l’avenir. Le monde chinois, de toute sa conscience,
se tourne vers le passé. Là est l’abîme, peut-être infranchissable.
Là est tout le secret de la puissance d’expansion de l’Occident, de
l’hermétisme de la Chine, de l’étrange impersonnalité de son
langage figuré. Prise en bloc, elle ne manifeste aucun changement
dans le temps, aucun mouvement dans l’espace. On dirait qu’elle
exprime un peuple de vieillards, ossifiés depuis l’enfance. Ce
n’est jamais à lui, c’est à son père, à son grand-père, et par delà
son père et son grand-père, au peuple immense des cadavres qui le
gouverne du fond des siècles, que le Chinois demande non pas la
loi, mais la recette de son adaptation au milieu d’ailleurs peu
mobile que la nature lui a fait.
    Au premier abord, c’est l’Égypte, son
immobilité géologique et agricole, son art impersonnel, collectif,
hermétique, abstrait. Mais l’Égypte est inquiète, elle ne peut
étouffer la flamme qui s’épanche malgré elle du centre de la
matière qu’elle travaille avec amour. Un invincible idéalisme la
pousse vers un avenir qu’elle ne voudrait pas voir. Le Chinois,
sous l’action du dehors, a évolué lui aussi, sans doute, mais
autour du même point fixe. Il est resté pratique et replié sur lui,
étroitement réaliste, dépourvu d’imagination et au fond sans
désirs. Alors que le peuple égyptien souffre de la domination du
prêtre et cherche à l’oublier en explorant la vie en profondeur, le
Chinois accepte sans révolte la tyrannie d’ailleurs benoîte du
mandarin, parce qu’elle ne gêne en rien la satisfaction vieillotte
de ses goûts. Du moins ne connaissons-nous rien des évolutions
immémoriales qui durent le conduire à cet état d’esprit. Confucius,
une fois pour toutes, a réglé la morale, elle est restée figée en
formules très accessibles et se maintient dans l’ornière
traditionnelle par le respect indiscuté, dogmatisé, ritualisé,
aveugle que l’on doit à ses parents, aux parents de ses parents,
aux parents morts de ses ancêtres. Le mouvement ascensionnel qui
caractérise pour nous la vie et nous empêche de l’arrêter dans une
formule définie s’est cristallisé chez lui en une forme qui n’est
peut-être pas toujours semblable à elle-même mais par qui l’on peut
remonter au même principe et que le même principe détermine
jusqu’en ses plus minces détails. Le Chinois s’en contente, il s’y
complaît, il n’a nul besoin d’en rechercher d’autres. Au fond, s’il
reste immobile, c’est qu’il a trop de vertus natives et que son
imagination s’atrophie à ne jamais avoir à réagir et à lutter. Il
accueillera sans difficulté les enseignements moraux du bouddhisme,
plus tard de l’islamisme, parce qu’ils sont à peu près

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