L'assassin de Sherwood
souterrains. Voici une entrée, mais il doit y en avoir d’autres que nous ignorons.
— Cela ne rend-il pas le château vulnérable ?
— Non. En cas de siège, on murerait ces entrées.
Ils rebroussèrent chemin. Branwood ordonna au sergent de conduire Corbett et ses serviteurs à leurs quartiers : d’autres affaires pressantes l’attendaient.
Corbett ne releva pas l’affront à peine déguisé. Leur chambre, au premier étage du donjon, donnait sur le même couloir que celle de Sir Eustace. Basse de plafond et toute en longueur sous ses poutres noires, elle était d’une propreté de bon aloi. On avait récemment balayé les dalles et renouvelé la jonchée, comme en témoignaient certains joncs encore verts et souples. Les draps et les couvertures des lits de sangle étaient irréprochables. Une table, une chaise en buis, un banc et des tabourets composaient tout le mobilier, outre des coffres et des cassettes aux serrures intactes pour la plupart. Les murs venaient d’être chaulés – assez hâtivement, à en juger par les mouches engluées dans l’enduit qui dissimulait à peine l’image d’un lion, ébauchée naguère. Il y avait des chevilles où accrocher les vêtements et un grand crucifix noir avec le corps tordu et martyrisé du Christ.
Naylor sorti, un serviteur leur apporta un pichet de bière fraîche et des gobelets sur un plateau en bois. Ils se désaltérèrent avidement et commencèrent à défaire leurs sacoches de selle. Corbett vit Maltote prendre son baudrier pour le jeter sur le lit.
— Non, Maltote, s’écria-t-il.
Le courrier lâcha le baudrier comme s’il lui brûlait les doigts et Ranulf lui murmura avec un sourire narquois :
— Je te l’ai dit cent fois ! Notre vieux « Maître Longue Figure » déteste te voir toucher à des armes !
— Je t’ai entendu, Ranulf ! lui lança Corbett par-dessus l’épaule. Maltote, tu es l’un des meilleurs cavaliers que j’aie jamais rencontrés, mais tu connais mes ordres : ne manipule jamais une épée ou un poignard en ma présence ! Tu es plus dangereux qu’un soudard ivre brandissant sa lame dans une taverne bondée !
Il le gratifia d’un regard soupçonneux :
— Tu ne portes pas de dague, au moins ?
Le courrier, au visage rond et poupin, fixa sur lui des yeux de hibou au regard enfantin, pleins d’appréhension.
— Non, mon maître.
— Bien ! maugréa Corbett. Alors, quand tu auras fini de ranger, descends aux cuisines. Demande à boire et à manger, ou vole de la nourriture, et puis file à bride abattue jusqu’à Southwell. Je t’ai montré la direction quand nous sommes entrés à Nottingham. Va jusqu’au croisement et prends vers le sud, la route de Newark. Tu trouveras Sir Guy de Gisborne logé à l’enseigne du Serpent. Dis-lui que nous sommes arrivés à Nottingham et que demain nous effectuerons une sortie dans la forêt. Mais qu’il ne bouge pas avant de m’avoir rencontré. Ramène-le avec toi, pas au château, mais à la taverne au pied de l’à-pic. Qu’il y loge. Comment s’appelle-t-elle, déjà ?
— Au Pèlerin de Jérusalem, avança Ranulf.
Il avait un oeil d’aigle pour repérer le moindre estaminet, que ce soit en vue d’étancher sa soif, de berner aux dés des malheureux sans méfiance ou de vendre ses potions « miraculeuses » à des gens assez niais pour les acheter.
— Conduis-le à cette auberge ! ordonna Corbett.
Maltote s’inclina, puis se lava mains et visage au lavarium avant de s’éclipser.
— Vous êtes trop dur avec lui, Messire ! lui reprocha Ranulf avec une grimace. Sa grande ambition, c’est de devenir fin escrimeur !
— Pas tant que je vivrai ! marmonna Corbett. C’est un danger permanent, je t’assure ! L’as-tu vu au souper de Lady Maeve, avant notre départ de Bread Street ? Il a failli se trancher les doigts en découpant de la viande !
Corbett revint à ses fontes de selle.
— Et qui est-ce, ce « Maître Longue Figure » ?
— Personne, répondit Ranulf, penaud. Quelqu’un que nous connaissons, simplement.
Souriant in petto, Corbett finit de ranger ses vêtements dans un des coffres et suspendit ses deux habits à une cheville. Il essaya de ne pas penser à son épouse Maeve qui les avait si soigneusement pliés, en jacassant comme une pie pour cacher son angoisse à voir son mari partir. L’espace d’un instant, il revit son beau visage d’une pâleur d’ivoire, encadré par de longs
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