L'assassin de Sherwood
qu’une flèche l’atteignît en pleine bouche. Enfin, le détachement, en complète débandade, réussit à échapper à l’embuscade. Sur l’ordre de Branwood, tous firent halte à l’exception de Naylor qui revint sur ses pas pour faire presser les traînards.
— Il ne faut pas s’arrêter, Sir Peter ! se récria Corbett d’une voix haletante.
— Nous allons nous retirer en bon ordre ! répliqua le shérif adjoint, en soignant une légère estafilade au dos de sa main.
Naylor revint. Les cavaliers flanquèrent la colonne, protégeant les archers. Branwood chevaucha en tête de la petite troupe meurtrie et désorganisée. Bientôt les arbres s’espacèrent, mais ce ne fut qu’à l’orée qu’ils firent halte, reprenant souffle dans une prairie émaillée de pâquerettes. Ils se comptèrent rapidement tout en pansant leurs blessures et en vérifiant leur équipement. L’air abattu, Branwood s’était assis par terre, les rênes à la main. Il lança un regard amer à Corbett et Ranulf, encore en selle.
— Messire, ne me dites pas que vous m’aviez prévenu !
— Combien de pertes ? riposta Corbett.
— En tout, répondit Naylor, un piéton, deux archers, trois cavaliers. Cela aurait pu être pire.
Branwood étouffa un juron :
— Que les hommes marchent à côté de leur bête ! Nous allons contourner la ville et rentrer au château par une poterne.
Corbett et Ranulf mirent pied à terre, eux aussi, et se joignirent aux soldats harassés qui se traînaient sur le sentier. Les chevaux essoufflés étaient couverts d’écume et les hommes ne valaient guère mieux. L’un était grièvement blessé, les autres souffraient d’estafilades plus ou moins graves. Le blessé, atteint d’une flèche sous le genou, vacillait sur sa selle, le visage blême. Il aurait vidé les étriers si un de ses compagnons n’avait pas retiré la flèche, lavé la plaie avec du mauvais vin et confectionné un pansement serré avec de la charpie.
Corbett se félicitait de s’en être tiré sans une égratignure. Ranulf semblait soulagé à la simple idée de laisser la forêt derrière lui.
— Vous avez une mine de déterré ! chuchota-t-il à son maître en fixant ses cheveux en bataille et son visage griffé par les branches basses.
— Nous aurions pu tous périr de male mort ! s’exclama Corbett. Quelle idée stupide ! Et en plus ce guet-apens n’était pas le fruit du hasard. Ils nous attendaient.
Corbett haussa la voix :
— Sir Peter !
Le shérif les rejoignit.
— Ce traquenard... suggéra Corbett. Qui a pu les renseigner ?
— Je l’ignore, Sir Hugh. Mais si je découvre ce Judas, je vous le dirai avant de l’envoyer à la potence.
Malgré l’itinéraire choisi par Branwood, leur retour ne passa pas inaperçu, pas plus que leur déconfiture. La nouvelle de leur défaite les avait devancés, on ne sait comment, et les gens accouraient le long de la rue pavée qui menait à la poterne. Corbett le supporta stoïquement, mais en son for intérieur il plaignit le shérif qui ne pouvait pas ne pas entendre les ricanements et les rires étouffés. C’était une complète humiliation pour lui, et il avait plus l’air d’un malheureux conduit au gibet que du représentant de la Couronne.
Au château, le mire et frère Thomas vinrent à leur rencontre. Le premier s’occupa des blessés tandis que le second entourait Sir Peter d’attentions et l’entraînait doucement à l’écart en lui murmurant des paroles de consolation, comme à un écolier fouetté de verges. Corbett confia ses rênes à un palefrenier et resta un moment en compagnie de Ranulf à observer les soldats qui dessellaient leurs montures et rangeaient leurs armes. La nouvelle de leur retour et des pertes encourues s’était propagée. Des lamentations et des cris de femmes s’élevaient de toute part. Écoeuré jusqu’au fond de l’âme, Corbett fit demi-tour.
— Allons, viens, Ranulf ! Ce n’est pas un avant-poste des Marches écossaises, ici, mais une forteresse du comté de Nottingham, un château de la Couronne !
Ils regagnèrent leurs quartiers pour soigner leurs blessures et se laver.
— La discrétion est de mise, aujourd’hui, marmonna Corbett en s’étendant sur le lit. À mon avis, Sir Peter ne doit pas avoir très envie de nous voir.
Ranulf s’assit sur un tabouret et se mordilla les lèvres.
— Messire, qui peut bien être le traître ?
— N’importe qui, soupira
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