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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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« Fusiliers de Craig ». Bob loua deux chevaux bruns
hirsutes et un traîneau en bois (dont les patins en acier laissèrent dans un
premier temps des traces de rouille dans la neige), puis, avec des rênes gelées
qui pendillaient de ses moufles comme des rubans de fer-blanc, guida pendant
quatre ou cinq kilomètres l’attelage piétinant à travers des congères dans
lesquelles les chevaux s’enfonçaient si profondément qu’ils bondissaient et
essayaient de nager, mais pour finir Bob atteignit la route principale, s’engagea
dans les ornières jumelles creusées par un autre traîneau et les bêtes prirent
le trot. Le soleil rayonnait sur la neige. La forêt était rose et brune sur
fond blanc ; le ciel bleu, à peine parsemé de quelques volutes grises
pareilles à des lettres effacées sur une ardoise. Bob se pelotonna afin de se
soustraire au froid, les bras serrés contre son corps, un foulard sur les
oreilles, telle une fille, et se concentra sur le murmure des patins.
    Il arriva à Kansas City tard dans l’après-midi.
La ville était noire de fumée de charbon, les rues bordées de talus de neige
boueuse et les catholiques arpentaient les trottoirs avec une croix de cendres
sur le front. Le 22 février correspondait à la fois à la date anniversaire de
la naissance de George Washington et au mercredi des cendres, qui marquait le
début du carême, et ce fut au son des cloches de l’église et des salves d’artillerie
que Bob gagna l’hôtel St James. Il mena les deux chevaux de trait à l’écurie
et pénétra dans le hall moquetté de violet de l’hôtel, où il se réchauffa les
doigts devant sa bouche le temps de comprendre auprès de qui s’enquérir du
numéro de la chambre d’Henry Craig.
    Bob frappa et le commissaire lui cria d’entrer ;
Bob se coula à l’intérieur comme un chat. Craig était nu dans une baignoire en
bois et en laiton aussi étroite qu’un cercueil et il se récurait un pied avec
une pierre ponce.
    « Je ne m’attendais pas à vous voir. »
    Bob s’assit sur une chaise Reine Anne et
remisa son chapeau melon sous le siège.
    « Je ne pouvais pas rater cette occasion
de faire la connaissance du gouverneur. Lui et moi, il y a des questions
importantes qu’on doit aborder. »
    Craig adressa à Bob un regard mal disposé, puis
désigna du menton un verre bas et une bouteille de whisky verte.
    « Un coup de tord-boyaux ? »
    Bob fit non de la tête et sourit.
    « Une lampée suffit à me donner envie de
faire des guirlandes avec les miens. »
    Craig s’extirpa de son bain avec force
éclaboussures et avala le fond de son verre. De la mousse dégoulina lentement
le long de son dos.
    « Bah, cette journée est la mienne ! »
s’exclama-t-il. Il chancela légèrement en remplissant à nouveau son verre, puis
le leva. « À la santé des “Fusiliers de Craig” et de leur brillant
fondateur qui les conduit de main de maître.
    — Est-ce que je pourrais faire trempette
dans votre bain ? sollicita Bob. J’ai chopé froid en traîneau et l’eau
chaude pourrait me faire du bien.
    — Ne vous gênez pas », acquiesça
Craig en se frictionnant vigoureusement avec une serviette.
    Bob se déshabilla et s’immergea dans le bain
avec un grognement d’aise.
    « Vous êtes vraiment pas commun dans
votre genre, Bob », commenta Craig.
    Sur ces entrefaites, Thomas Speers, le chef de
la police de Kansas City, survint dans la chambre du commissaire en compagnie
de Dick Liddil. Craig invita Speers à se servir un whisky afin de se mettre en
train et Bob s’éclipsa dans une penderie noire comme du charbon où il revêtit
avec difficulté des sous-vêtements siglés H. C. qui n’étaient pas les
siens. Il émergea du réduit comme deux serveurs débarquaient en poussant un chariot-repas
chargé d’assiettes couvertes de dessus-de-plat en argent. Il coiffa ses cheveux
mouillés à l’aide du peigne en ivoire de sa sœur et prit place devant un steak
saignant accompagné de carottes. Il s’en coupa une bouchée, puis considéra les
assiettes des autres dîneurs.
    « Il bouge encore, le vôtre ? »
    Dick se leva à moitié de sa chaise pour
étudier la couleur du morceau.
    « Tout juste grillé, convint-il.
    — J’ai vu guérir des bestiaux en plus
mauvais état que ça, ironisa Bob.
    — Vous comptez vous plaindre toute la
soirée ? le réprimanda Craig.
    — Moi ? Mais je suis ravi, Henry !
C’est le bal des “Fusiliers de Craig” !

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