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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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Cette soirée est la vôtre !
    — Ne faites pas votre malin avec le
gouverneur », lui recommanda Craig en sentant le bouchon du vin, avant de verser
du bourgogne dans le verre de Speers et dans le sien.
    On vida les assiettes, on échangea des
opinions et deux policiers parurent afin de surveiller Dick et Bob pendant que
Craig et Speers faisaient leur entrée en grande pompe dans la salle de bal du
premier étage. Les deux policiers produisirent un jeu de cartes, Dick plaqua
son oreille au sol pour écouter des airs d’opéra et Bob feuilleta les journaux
sur le lit.
    Le 30 janvier, les jurés avaient décidé que ce
n’était ni Dieu ni la folie qui avaient inspiré les actions de Charles J. Guiteau,
mais la malveillance et ils l’avaient reconnu coupable du meurtre du président
Garfield. Le juge Cox l’avait condamné à être exécuté en public et Guiteau s’était
écrié : « Je suis le représentant de Dieu ! Dieu Tout-Puissant
tirera vengeance de tous ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à cette
affaire ! » Après quoi, les correspondants avaient cessé de rédiger
des articles à propos du condamné – jusqu’à ce 22 février, où Bob tomba sur une
dépêche qu’il lut à voix haute : « “Il semblerait que Guiteau soit
persuadé qu’il remporterait un succès considérable en tant que conférencier et,
en effet, il n’y a pas l’ombre d’un doute que sa prochaine apparition sur une
estrade, le treize juin dix-huit cent quatre-vingt-deux, sera accueillie avec
la plus grande satisfaction par le peuple américain.” »
    Dick eut un petit rire.
    « D’autres nouvelles d’intéressantes ? »
Bob chercha. Le quotidien rappelait à ses lecteurs que ce jour-là était le
mercredi des cendres et que les quarante jours à suivre étaient « un temps
de pénitence et de retraite, d’abstinence des plaisirs ordinaires de la vie, destiné
à permettre à chacun de réfléchir, sans être distrait par des activités
séculières, aux péchés commis et de se préparer à combattre, à l’avenir, les
tentations et les appétits de la chair. »
    Bob sauta à la colonne suivante, puis replia
sèchement le journal et se leva d’un bond du lit.
    « Est-ce que je suis obligé de rester
cloîtré ici ? râla-t-il auprès des policiers. C’est seulement Dick qui est
en état d’arrestation. » Le policier responsable d’eux exigea que Bob
quittât son ceinturon et son pardessus, puis l’autorisa à sortir et Bob
vadrouilla d’étage en étage avant d’aller traîner au voisinage de la grande
salle de bal de l’hôtel. L’orchestre s’accordait un entracte et un garçon de
douze ans juché sur un escabeau au-dessus de l’assistance respectueuse récitait
un poème sur George Washington :
    « Salut à toi, fils de la Liberté qui de
ce pays a fait la fierté – salut à toi, Washington bien-aimé, qui jadis la
Tyrannie a défié. »
    Des messieurs en queue-de-pie tapaient du pied
dans le couloir pour se débarrasser de la neige sous leurs semelles et des
dames qui fleuraient le mimosa, vêtues de robes en satin sous des capes qui
leur tombaient jusqu’aux chevilles, se saluaient les unes les autres, se
tapotaient le poignet, entraient gracieusement en riant. Bob les suivit et se
tapit dans un coin pendant que le garçon terminait son ode :
    « Sur nous tous cette gloire rejaillit et,
le cas échéant, nous garantit qu’un autre Washington se dresserait pour nous
aviser et nous protéger. La descendance du héros survit ; utiles, pacifiques
sont leurs vies. »
    La foule applaudit – plus par charité que par
enthousiasme – et le jeune garçon descendit de l’escabeau, évincé par le
commissaire Henry Craig. Celui-ci s’accrocha par un bras à l’un des barreaux
afin de dissimuler un léger vacillement d’ébriété et s’adonna à toutes les
plaisanteries, les badineries et autres bouffonneries de rigueur de la part d’un
maître de cérémonie. Son public réagit par des rires quelque peu forcés, un
rien trop cordiaux.
    « T’es pas si sensass que ça », maugréa
Bob et une femme lui jeta un coup d’œil réprobateur.
    Le regard de Bob était trop sombre, ses yeux
bleus trop fuyants, il avait conscience de son air gauche, grossier et
cependant, il se rapprocha malgré tout quand Craig se mit à chanter les
louanges du vigilant gouverneur du Missouri qu’il avait l’incomparable honneur
de servir. Puis coupant court aux simagrées, il tendit

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