Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
Vom Netzwerk:
le bras gauche en
direction d’une table ronde autour de laquelle était assise la fine fleur des
industriels et des grands propriétaires, ainsi que leurs épouses somptueusement
apprêtées. L’orchestre reformé entama un morceau que Bob ne connaissait pas et
les convives firent tinter leurs verres à vin avec leurs petites cuillères
jusqu’à ce que le gouverneur se mît debout et ramenât le silence en exhibant
ses mains levées.
    Thomas Theodore Crittenden était un homme
corpulent d’une cinquantaine d’années aux yeux marron pénétrants, dont les
cheveux blancs étaient coiffés à la perfection et dont la lèvre supérieure s’ourlait
d’une moustache rase qui n’était guère plus que des piquants blanchâtres. Il
adorait le faste et les grandeurs afférentes à sa fonction et marqua une pause
emphatique visant à tenir son auditoire en haleine, puis salua l’assemblée et
gratifia Craig d’une gracieuse révérence.
    « C’est pour moi un grand privilège de
reconnaître publiquement, en cette glorieuse occasion, l’appui intelligent et
efficace que le capitaine Henry Craig a su apporter à l’État du Missouri – ainsi
qu’à moi-même – dans le cadre de notre quête commune visant à purger le comté
de Jackson des frères James. Les services que m’a rendus Henry Craig sont
inestimables et, sans lui, la tâche qui me revient serait sans doute bien plus
ardue, voire tout simplement impossible. La mission qu’il a endossée requiert
un courage intrépide, une vigilance extraordinaire et un jugement sans faille
concernant les moyens à mettre à œuvre. Henry n’a jamais hésité à s’exposer en
personne à toutes les épreuves, tous les dangers afin de poursuivre ces
hors-la-loi et a, par chacune de ses actions, toujours fait honneur aux “Fusiliers
de Craig” ou à la police de Kansas City – c’est sans réserve que je m’en fais
officiellement témoin. » Il jeta un coup d’œil à sa droite, puis sourit
avec bonhomie à toute l’assistance. « Mon épouse me rappelle de ne pas
trop en faire, je m’arrête donc là en vous souhaitant une agréable soirée et
avec l’espoir que j’aurais le loisir de rencontrer chacun de vous avant la fin
de cette réception. »
    Avide de reconnaissance, Bob n’était plus qu’à
cinq rangs de la table ronde. Il se fraya un chemin entre des jupes bouffantes
en mousseline froufroutante, bouscula un homme avec une barbiche et adressa
joyeusement un grand salut puéril au gouverneur, qui sourcilla. Bob avait
presque réussi à s’insinuer assez près pour se présenter lorsqu’il fut saisi au
collet par deux hommes de Craig qui lui broyèrent douloureusement les biceps. Il
voulut crier, mais on lui plaqua une main sur la bouche ; il voulut lancer
des coups de pied pour se libérer, mais il reçut un coup dans l’entrejambe et s’écroula,
plié en deux de douleur. Quelques personnes lui jetèrent un regard de reproche,
puis l’orchestre attaqua une valse et elles se détournèrent tandis que les
policiers redressaient Bob.
    Craig attendait près de la table des tickets
de tombola, à côté d’un service de vaisselle japonais et d’une machine à coudre
Singer. Les policiers poussèrent Bob dans le couloir et il s’affaissa contre un
pilier en acajou ouvragé.
    « Vous causez plus d’ennuis que vous n’en
valez la peine, lâcha Craig.
    — J’allais simplement dire bonjour.
    — Ce n’est pas pour cette raison que vous
êtes là. Remontez dans ma chambre et tâchez de garder votre identité secrète. »
    Dick Liddil parcourait les journaux, installé
dans un fauteuil moelleux à côté d’une lampe à pétrole ; les deux
policiers avaient déboutonné leurs manteaux et fumaient des cigarettes en
contemplant la rue enneigée.
    « Le député Thomas Allen se meurt d’un
cancer, à ce qu’il paraît, commenta Dick. Et pourtant c’est l’élu le plus riche
du congrès, avec une fortune de quinze millions de dollars.
    — La Faucheuse se moque bien de ce genre
de détails », répliqua l’un des agents.
    Bob se laissa tomber dans un fauteuil, ôta ses
bottes et cala ses jambes sur un repose-pieds.
    « Pour tout savoir sur les capitaines d’industrie,
faut lire le Popular Monthly de Frank Leslie », professa-t-il.
    Dick le dévisagea par-dessus son journal.
    « Comment c’était, cette fête ?
    — Prends Alexander Stewart : quand
il a monté son magasin de nouveautés, à New York, il avait dix-neuf ans

Weitere Kostenlose Bücher