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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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l’ai fait avec ta mère ? »
    Charley laissa tomber des bûches dans le foyer
du fourneau et revint de la cuisine en tapant ses mains l’une dans l’autre. Il
vit que Jesse toisait Bob avec un air mauvais, des éclairs dans les yeux.
    « Vous vous prenez le bec, tous les deux ?
s’inquiéta-t-il.
    — J’étais prêt à me foutre en rogne »,
admit Jesse en souriant à Bob.
    Il tendit la main et flatta le cou de Bob.
    « Viens t’asseoir par ici, gamin », enjoignit-il
à Bob d’une voix onctueuse.
    Bob hésita quelque peu, puis prit place à côté
de Jesse avec un sourire timide et perplexe.
    Jesse lui massa les muscles de la nuque et des
épaules avec ferveur, afin de lui signifier qu’il lui pardonnait, et il
continua à leur ébaucher son plan :
    « Charley, tu resteras auprès des bêtes. Le
Kid et moi, on rentrera dans la banque juste avant midi. Bob éloignera le
caissier du fusil sous le comptoir et il lui dira de composer la combinaison de
la chambre forte. Il nous baratinera avec des histoires d’ouverture programmée,
mais moi je me glisserai derrière lui et je le cravaterai comme ça… »
    Jesse coula brutalement son poignet droit sous
le menton de Bob, lui releva la tête en arrière d’un coup sec et le plaqua
contre son genou avant de lui presser son couteau de trappeur contre la gorge. Le
métal froid produisit l’effet d’une brûlure glacée sur la peau claire de Bob
qui, l’espace d’un instant, eut la certitude que Jesse venait de l’égorger et s’affaissa
contre le canapé, pantelant, terrorisé.
    « Ensuite, souffla Jesse d’une voix
caressante, la bouche si proche de l’oreille de Bob qu’il lui picotait l’oreille
avec sa moustache, ensuite, je lui ferai : “Comment ça se fait qu’un rebut
de l’humanité comme toi respire encore, alors que tant des miens sont au
cimetière” ? »
    Les yeux de Bob roulèrent vers la gauche, en
direction du couteau, vertical contre sa joue. Son torticolis le lancinait et
le poignet de Jesse était aussi dur qu’un manche à balai sous son menton. Bob
fabriqua un sourire.
    « Tu ne vas pas te débarrasser de moi, pas
vrai ? hasarda-t-il.
    — Je lui ferai : “Comment t’as fait
pour atteindre ton vingtième anniversaire sans te répandre dans tes fringues ?”
Et si je n’aime pas la réaction de ce faux jeton, je lui couperai la gorge si
profond qu’il frétillera par terre comme un goujon. »
    Jesse écarta le bras et poussa Bob en avant d’une
bourrade avant de reposer le couteau sur le coussin du canapé. Puis tout à coup,
son attitude changea, il se claqua joyeusement les deux genoux et sourit à Bob.
    « J’entendais les rouages tourner dans ta
cervelle, “crrr crrr crrr”, t’étais là : “Bon Dieu, qu’est-ce qui se passe,
qu’est-ce qui va m’arriver ?” Ta tête, c’était quelque chose, Bob. Tu
étais blanc comme une bourre de coton. »
    Bob se palpa le cou du bout des doigts.
    « Si tu veux savoir quel effet ça fait, ce
n’est pas agréable. Honnêtement, je ne le souhaite à personne.
    — Et Charley avait l’air déboussolé !
    — Mais j’étais déboussolé !
    — Ce vieux Charley, il était comme ça :
“Saperlipopette ! Ça va me gâcher ma journée !” »
    Il regarda tour à tour Bob, puis Charley et
blagua encore quelques instants avec eux, avec un rire apaisant, exagéré, sarcastique,
peu convaincant, puis quand enfin les deux autres se joignirent à lui, il darda
sur eux un regard furibond et les planta là en claquant la porte de sa chambre.
    Ainsi fut-il. Bob se
fit de plus en plus cynique, méfiant, anxieux et Jesse de plus en plus cavalier,
enjoué, lunatique, farfelu, imprévisible. Si son anatomie était celle d’un
solide forgeron d’une vingtaine d’années, son organisme était celui d’un homme
qui mourait petit à petit. Il souffrait de chassies, de douleurs, de
congestions pulmonaires, il s’appuyait aux chaises, aux plans de travail, aux
murs et, par temps froid, il marchait avec une canne. Il toussait constamment
quand il était allongé, son esprit agile s’enferrait dans des contradictions, l’insomnie
noircissait ses orbites comme de la suie, il paraissait en deuil. Il suçait de
la réglisse et des bonbons afin de couvrir les relents de dents gâtées de son
haleine, il teignait ses cheveux grisonnants en brun, il dissimulait ses accès
de dépression et ses dérèglements sous des dehors d’extrême cordialité, de
courtoisie

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