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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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vous le lessivez avec du chlorure
de chaux et vous laissez agir une nuit. J’ai appris ça à l’épicerie. »
    Zee tamisa de la farine blanche dans le
saladier.
    « Ce n’est pas ma cuisine, lui opposa-t-elle.
Nous louons juste. »
    Bob replongea la louche dans le seau d’eau, se
gratta le mollet. Zee mesura une cuillerée de bicarbonate de soude et reposa la
boîte. Bob fit mine de tendre la main vers la boîte, mais Zee lui décocha un
coup d’œil qui l’en dissuada. Il renifla un morceau de savon marron granuleux ;
Zee mélangea de la crème de tartre avec le bicarbonate de soude au moyen d’une
cuillère à soupe.
    « Pourquoi êtes-vous sur les nerfs comme
ça ? » s’enquit-elle.
    Bob improvisa :
    « C’est ce désœuvrement. À rester assis
toute la sainte journée, à être dans vos pattes, à se ramollir, à s’endormir, à
tourner en rond comme des bêtes en cage… »
    Zee dévisagea Bob avec des yeux qui avaient
perdu un peu de leur animation et de leur attention, comme abîmée dans ses
souvenirs :
    « Il est parfois absent pendant des mois.
Il arrive qu’on change de maison cinq fois dans l’année. C’est horrible d’être
traqué, Bob. Il pourrait bien rester en chemise de nuit à longueur de journée
si ça lui chante – je suis juste contente qu’il soit là.
    — On sent que son esprit en a souffert »,
répliqua Bob.
    Zee ne rétorqua rien et essuya sur son tablier
la farine qu’elle avait sur les mains avant de se concentrer sur sa recette. Bob
l’observa travailler quelques minutes encore avant d’ajouter :
    « Ah, vous faites un gâteau. »
    Le samedi soir, vers
neuf heures, dans une salle de billard, pendant que les Ford faisaient une
partie, Jesse déambula entre les tables, troquant des claques dans le dos avec
les joueurs, plaisantant, se rappelant des noms, resituant des gens, répondant
par une visite à chacune des invitations fréquentes et enthousiastes qui
émanaient des quatre coins de la salle. En bavardant, un armurier confia à
Thomas Howard qu’il portait toujours un revolver de calibre .22 à l’intérieur
de sa botte. « C’est tout juste si vous pouvez chatouiller quelqu’un, avec
ça », l’asticota Howard. Très vite, ils se retrouvèrent lancés dans une
controverse amicale à propos d’adresse au tir, qu’ils décidèrent de trancher
par un concours, et ils sortirent dans la ruelle, suivis par une foule de
curieux en mal de distraction.
    Sous les yeux de Bob, Jesse extirpa la balle
en plomb d’une cartouche et l’incisa avec son couteau de trappeur, qu’il coinça
ensuite au creux d’un arbre, de sorte que, de face, le tranchant ne fût plus qu’un
court et mince rai argenté vertical dans la nuit. Il glissa un fil au fond de
la rainure, puis écrasa la balle sous le talon de sa botte afin de refermer l’encoche
et il attacha le fil à une branche en hauteur de manière que la balle effleurât
la lame du couteau en se balançant. Il commanda à un adolescent de se poster
près de la cible avec une lampe à pétrole et, après avoir reculé de cinq pas, il
annonça à son public que l’adolescent allait mettre la balle en mouvement, puis
que l’armurier et lui tireraient cinq coups. Le but était de toucher la balle
oscillante de manière à ce que le tir rase la lame du couteau.
    Les spectateurs marmonnèrent gravement leurs
doutes à mi-voix, murmurèrent impressionnés, firent des paris et l’armurier
leva son calibre .22 avec une sombre résignation. Après avoir donné une
impulsion à la balle, qui commença son balancement métronomique, l’adolescent s’écarta
avec la lampe à pétrole ; l’armurier visa et manqua la cible mouvante par
cinq fois, éparpillant des copeaux d’écorce de chêne et pestant contre l’inanité
de l’exercice.
    Jesse ôta sa veste, posa sa main droite sur sa
hanche et leva de la gauche son revolver, qu’il appelait Baby. L’adolescent fit
décrire une large courbe à la balle et s’éloigna ; Jesse prit sa mire et
fit feu. Des morceaux de bois volèrent, mais la balle poursuivit ses
oscillations, tictaquant contre le couteau telle une pendule. Jesse secoua le
bras gauche le long de son corps pour se détendre, puis le leva à nouveau et
rata une seconde fois.
    « Il n’y a pas de honte à avoir, fit l’armurier.
C’est quasi impossible. »
    Jesse sourit.
    « Si je n’étais pas certain d’en être
capable, je n’aurais jamais concocté ce numéro. »
    La balle

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