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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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et de bienveillance.
    Il jouait les farceurs, les boute-en-train. Lors
des repas, il donnait la chair de poule à ses enfants en raclant sa fourchette
contre ses dents. Alors que Zee apportait la soupière, il adressait un clin d’œil
à Bob et ironisait : « Est-ce que ça t’a l’air mangeable ou est-ce que
tu devras te forcer ? » Après un pet, il se moquait : « Encore
une perle que tu pourras ressortir, Bob. » Il poussait subrepticement le
beurre ou la saucière sous le coude de Charley de sorte que le pauvre bougre se
tachait la manche ; il lui attachait les éperons ensemble alors que
Charley ronflait sur le canapé dans le séjour, puis le réveillait à grands cris
et le malheureux s’étalait comiquement. Au dîner, il ressassait les mêmes
anecdotes, les remaniait avec toujours plus de verbosité et d’extravagance de
manière à illustrer la bassesse des employés des chemins de fer et des avocats,
qui, d’après lui, étaient si véreux qu’ils ne marchaient pas – ils rampaient. Mais,
même lorsqu’il badinait ou qu’il chatouillait les côtes de ses enfants, Jesse
considérait souvent Bob avec des yeux mélancoliques, comme si tous deux étaient
engagés dans un dialogue intime qui ne concernait guère ceux qui les
entouraient.
    Bob était certain que Jesse l’avait démasqué, avait
percé à jour ses motivations, était capable de prédire ses moindres actions, ses
moindres velléités et qu’il faisait l’innocent afin de plonger Bob dans une
sorte de tranquillité torpide et de l’induire en erreur.
    Un jour, dans l’écurie, alors qu’il décrottait
les fanons et les paturons pleins de boue des chevaux avec une étrille, il fut
soudain submergé par un sentiment d’appréhension et se redressa juste à temps
pour entrapercevoir Jesse qui l’observait avec une expression de colère par la
fenêtre et disparut aussitôt. Et pourtant lorsque Bob le croisa sur la véranda
de la cuisine, moins de cinq minutes plus tard, Jesse baissa son journal et fit
une remarque guillerette à propos du temps qu’il faisait. Certains soirs, Jesse
séparait les deux frères et dormait en compagnie de Bob dans le séjour, un
revolver fermement serré dans la main gauche. Ses cheveux sentaient l’essence
de rose et ses sous-vêtements longs le borax ; le sommeil rajeunissait son
visage de plusieurs années. Bob prêtait l’oreille à la respiration de Jesse
afin de deviner quand il s’assoupissait et une fois ses inspirations si lentes
et si ténues que chacune semblait la dernière, Bob se redressait ; à peine
avait-il posé un pied sur le plancher froid que retentissaient les trois clics
d’un pistolet que l’on arme.
    « J’ai besoin d’aller au cabinet, prétendait
Bob.
    — C’est ce que tu crois, mais en fait, non »,
rétorquait Jesse.
    Et Bob, obéissant, se recouchait.
    Le lundi d’avant leur départ, Zee, vêtue d’une
ample robe marron aux manches retroussées jusqu’aux coudes, s’installa dans le
jardin pour touiller un chaudron de lessive en fonte écumant de mousse blanche,
dont la vapeur s’élevait dans le ciel bleu. Charley trempa un mouchoir rouge
dedans et essuya la rouille sur l’étendage métallique. Bob sollicita avec
obséquiosité Zee de lui laver ses vêtements et elle y consentit de mauvaise
grâce. Elle remua ses chaussettes et ses chemises dans un baquet d’eau
savonneuse sur le fourneau et les frotta contre une planche à laver en terre
cuite, mais une fois qu’elle les eut rincées et passées à l’essoreuse, Bob
refusa de les suspendre dehors et préféra plutôt les étendre bien à plat sur le
lit en chêne du séjour pour les laisser sécher petit à petit.
    Jesse entra en se tapotant la cuisse avec un
journal, en quête de compagnie. Il nota la méticulosité avec laquelle Bob
disposait les manches, puis avisa les lettres H. C. sur des sous-vêtements
blancs.
    « C’est quoi, ces initiales ? s’enquit-il.
    — Pardon ? »
    Le regard de Bob se posa sur l’étiquette et il
se rappela qu’il avait confondu les sous-vêtements d’Henry Craig et les siens l’autre
soir à l’hôtel St James. Il fut incapable de répondre.
    « Haillons Chinois, Haute Cuisine ? »
suggéra Jesse.
    Bob se dandina un peu.
    « J’ai passé une nuit dans un foyer de
travailleurs et je les ai trouvés en boule dans un placard, dit-il finalement
avec un sourire flagorneur. Comme ils n’avaient pas l’air d’avoir de morbacs, je
les ai

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