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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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tirer d’affaire et d’exploiter chaque
situation à mon avantage.
    — On ne peut pas toujours forcer les
choses, Bob.
    — Comme je te dis, je prends ce qui vient. »
    Jesse se leva, referma les mains sur le fil
métallique de l’étendoir et s’y agrippa, les yeux baissés vers le sol.
    « Vous autres, les Ford, vous montrez les
dents comme des singes. »
    Bob n’avait aucune idée de la direction qu’était
susceptible de prendre la conversation, mais la maussaderie de Jesse lui parut
vaguement dangereuse, aussi résolut-il de rentrer. Il jeta la couverture
matelassée sur un framboisier et enfonça les poings dans ses poches.
    « Je vais en rester là pour ce soir. »
    Jesse était penché en avant, lugubre, et
oscillait sur ses jambes, suspendu à l’étendoir dont les crochets de fixation
métalliques récriminaient.
    « Tu ne veux pas me tenir encore un peu
compagnie ?
    — Je suis plutôt crevé, Jess.
    — Vas-y alors. »
    L’abattement de Jesse engendra la perplexité
chez Bob. Il alla jusqu’à la porte treillissée, puis se retourna :
    « Ta franchise envers moi me touche. C’était
édifiant. Je vais songer à tout ce que tu m’as dit. »
    Jesse s’éloigna dans les ténèbres.
    « Ne prends pas tout ça trop au sérieux, fit-il.
Je tuais simplement le temps. »
    Lorsque Bob avait
ouvert les yeux au lever du jour, le 3 avril, la première chose qu’il avait vue
était le tableau de Skyrocket. Charley passait la chemise de grosse laine qu’il
mettait toujours quand il travaillait au contact des animaux ; Bob tendit
la main jusqu’au plancher et fit courir ses doigts jusqu’à son revolver. Zee
était déjà aux fourneaux et Bob apercevait de la vapeur qui s’échappait en
périodes timides d’une casserole couverte. Dans la chambre des enfants, Tim
embêtait sa petite sœur.
    Bob devait plus tard se souvenir que Jesse
était sorti de la chambre principale et avait houspillé les enfants parce qu’ils
se chamaillaient alors qu’il n’était même pas sept heures. Il portait le col de
celluloïd immaculé et la chemise de lin d’un blanc éblouissant qu’il avait
dérobés par une nuit pluvieuse dans la commode d’un hôtel du Kansas. Il ajusta
sa cravate en soie face à une glace dans laquelle on entrevoyait une fraction d’une
porte close, une chaise en jonc tressé et un mur sale sur lequel avaient été
reportées au crayon les tailles successives de Tim et Mary. Bob s’extirpa des
couvertures en se tortillant afin de dissimuler une érection et se débattit
avec les jambes d’un pantalon noisette, puis avec ses bottes, dont le talon
était si usé que ses chevilles saillaient sur les côtés. Charley se dirigea à
pas lourds vers l’écurie et la porte treillissée claqua derrière lui au nez d’un
nuage de poussière du dehors. Jesse boutonna une longue redingote noire en
cachemire par-dessus son gilet et ses deux ceinturons croisés autour de sa
taille. Il informa Bob sans la moindre ironie que, s’il le désirait, il pouvait
rester à la maison et dormir encore un peu, puis sortit dans le soleil matinal
au moment même où Zee refermait avec colère la porte du four en maugréant :
« Et flûte ! »
    Bob enfila sa chemise dans son pantalon.
    « C’est vous qui faites toute cette fumée ? »
lança-t-il.
    Il vit Zee retourner des biscuits maison
brûlés sur une plaque de cuisson noircie.
    « Cette saleté de four ! »
rouspéta-t-elle toute seule.
    Bob peigna ses cheveux brun roux avec ses
doigts face à la glace, puis traversa la fumée grisâtre qui se dégageait du
four pour se rendre aux cabinets.
    Il enjamba les flaques dont une ondée nocturne
avait émaillé le jardin et verrouilla la porte des latrines derrière lui. Le
bulletin météorologique prévoyait des températures de plus de vingt-six degrés
et l’atmosphère était déjà aussi chaude et moite que des vapeurs de cuisine. Mary
était accroupie dehors avec un moulin à café qu’elle avait cassé en moulinant du
sable ; Tim allait et venait sur la balançoire, dont les cordes grinçaient
contre la branche du sycomore. Bob s’avança en reboutonnant sa braguette jusqu’à
la citerne du jardin, dont la pompe poussa des braiments récalcitrants lorsqu’il
en actionna la poignée. Charley émergea de l’écurie et décrotta ses semelles
sur un râteau rouillé oublié dans l’herbe. Bob lui dit bonjour, mais la seule
réaction de Charley fut de s’accroupir un peu

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