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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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plus bas dans la pente du jardin
et de se retrancher derrière la fumée d’une cigarette.
    Jesse intercepta la balançoire et l’arrêta en
douceur, puis père et fils descendirent Confusion Hill afin d’aller chercher
les journaux à la poste. Une eau froide légèrement orangée rejaillit dans la
cuvette blanche en émail que tenait Bob et quelques gouttelettes atterrirent
sur l’ourlet de son pantalon et sur ses bottes. Il approcha l’eau de son visage
avec reconnaissance, comme on presse contre sa peau les doigts d’une amante, et
pensa sans le vouloir à l’horrible poisson qu’il avait péché en septembre. Lorsqu’il
leva les yeux, Zee l’observait par la porte treillissée.
    « Vous voulez manger beaucoup, ce matin ?
s’enquit-elle.
    — Rien qu’une lichette, répliqua Bob en
se levant. Je me sens un peu patraque. »
    Il poussa Mary sur la balançoire pendant un
moment en répondant aux questions de la fillette de deux ans, puis se lassa, la
gratifia d’une poussée plus forte que les autres et vagua jusqu’à l’avant de la
maison, où il s’accouda à la clôture blanche pour scruter Lafayette Street. Le
soleil se réfléchissait sur toutes les fenêtres de la ville. À l’ouest, une
chape de fumée planait au-dessus du dépôt ferroviaire. Le fleuve coulait avec
la lenteur d’un flot de sang. Bob resta là cinq minutes, les pouces dans les
poches, tel un parieur aux courses – un parieur qui eût misé sur Skyrocket. Au
même moment, Craig et Timberlake, attablés devant leur petit-déjeuner, parachevaient
peut-être leurs préparatifs en vue de mardi en mangeant des croissants ou, pour
Craig, en buvant du café additionné de crème ; une équipe de cheminots
devait répandre de la paille dans les wagons de marchandises pour les montures
des adjoints du shérif.
    Bob avisa l’illustre hors-la-loi et son fils
qui gravissaient la pente raide du trottoir, unis par de grandes aspirations et
un langage commun – ce qui, aux yeux de Bob, n’en faisait guère que des animaux
un peu plus complexes que les autres, qui fonctionnaient seulement selon des
mécanismes plus subtils qu’un pistolet. Jesse transféra son cigare d’un coin de
sa bouche à l’autre et plissa les yeux à cause de la fumée.
    « D’où te vient cet air si sérieux ?
fit-il.
    — Tu trouves ça intelligent de sortir
comme ça, en te pavanant avec tes flingues au vu et au su de toute la création ? »
rétorqua Bob.
    Jesse l’ignora et jeta son cigare, qui
rebondit dans une gerbe d’étincelles en produisant des volutes de fumée. Puis
il se précipita vers Mary en affectant d’être un monstre, la rattrapa alors qu’elle
s’élançait en piaulant vers la porte treillissée et la fit tournoyer si vite qu’elle
en perdit sa chaussure droite.
    Zee avertit tout le monde que le
petit-déjeuner était en train de refroidir et Mary noua ses bras autour du cou
de son père, qui la porta avec grâce jusqu’à la salle à manger. Tim abandonna
négligemment les journaux roulés en tubes dans le séjour et escalada le siège
voisin de la chaise haute de sa sœur. Bob déchira le manchon de papier kraft du Kansas City Times, déplia le quotidien et remarqua aussitôt un article
portant sur l’arrestation et les aveux de Dick Liddil. Charley survint dans la
salle à manger d’un pas traînant, la mine chagrine et résignée, prétextant
quelque problème avec les chevaux, auquel Jesse ne prêta guère attention. Bob
glissa le journal sous un châle, puis boucla son ceinturon et attacha à sa
cuisse l’étui en cuir du revolver que Jesse lui avait offert. Avec une pointe d’irritation,
Zee rappela à Bob que tout allait être froid et il prit place face à Jesse, rayant
par inadvertance la chaise avec son pistolet.
    Zee réduisit en bouillie un biscuit pour Mary
et annonça qu’elle avait invité cet après-midi-là une voisine qui habitait de l’autre
côté de la rue à l’accompagner en ville afin d’acheter des vêtements pour
Pâques. Elle demanda à Jesse un peu d’argent et il préleva deux billets de cinq
dollars d’un petit rouleau retenu par un élastique. Elle demanda à Jesse s’il
voulait des sandwiches pour la route. Elle lui demanda s’il serait de retour
pour le Jeudi saint.
    Jesse fronça les sourcils à la vue de son fils
de six ans qui rêvassait, les yeux dans le vague, une cuillère de porridge dans
la bouche.
    « À votre avis, qu’est-ce qui se passe
dans cette

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