L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
qu’il m’était impossible de ne pas tomber amoureuse de lui. »
Elle sourit en contemplant le fleuve, perdue
dans ses réminiscences. Elle saisit une mèche de cheveux blonds qui flottait
devant ses yeux et la rattacha avec un petit peigne.
« Il sortait tout droit d’un conte de
fées : il était gentil, passionné, dangereux, fort… » Elle se tourna
vers Bob, qui esquissait des motifs sur la nappe à carreaux avec une cuillère.
« Vous aussi, vous avez sans doute dû ressentir ça. Ce charme qui vous va
droit au cœur… »
Bob chercha un moyen de se dérober.
« Votre deuxième prénom, c’est bien
Amanda, n’est-ce pas ? »
Zee parut déconcertée, mais confirma que oui.
« J’ai une sœur qui s’appelle Amanda. »
Tim pataugeait dans une quinzaine de
centimètres d’eau. À une cinquantaine de mètres de Bob et Zee, un couple
chantait des hymnes religieux. Quelque part aux alentours, on chatouillait une
fillette. Zee ôta le bouchon de liège d’un pot de moutarde.
« Vous avez une bonne amie, Bob ?
— J’ai bécoté une fille ou deux, si c’est
ce que vous voulez savoir.
— Mais vous n’avez pas de petite amie.
— Non. » Il tapota la paume de sa
main avec la cuillère, puis la reposa dans une assiette. « C’est la seule
chose que la vie m’ait refusée. En dehors de ça, elle ne m’a pas ménagé ses
bienfaits.
— Vous êtes encore jeune. »
Bob eut un sourire hésitant.
« Quand j’entends les gens parler d’amour,
ça me fait l’effet d’une maladie que je n’ai jamais eue. »
Zee considéra Bob avec une expression
compréhensive et répondit juste :
« Je sais. »
Jesse mangea en se
prélassant, avec un grand sourire à l’adresse du soleil, puis à l’issue du
pique-nique, il descendit flâner au bord du fleuve avec Zee, bras dessus, bras
dessous, afin de lui montrer les oiseaux et de lui susurrer leurs noms. Charley
se colla sur le nez des lunettes à verres bleutés destinées à préserver son
anonymat et galopa jusqu’à des balançoires avec Tim sur le dos. Bob somnola à l’ombre
en compagnie de Mary ; quand, vingt minutes plus tard, il rouvrit les yeux,
il trouva Jesse accroupi auprès de lui.
« C’est en train de devenir une habitude,
de me surprendre », grogna-t-il.
Jesse fit rouler un cure-dent entre ses lèvres.
« Je peux te parler un moment, Bob ?
— Je suis là, je n’ai rien de mieux à
faire. »
Jesse leva les yeux droit devant lui.
« Je crois que tu es au courant que j’ai
un réseau d’espions. »
Bob ne sut comment réagir.
« Il se pourrait que non.
— L’un de mes informateurs m’a appris que
tu avais passé une bonne partie de ton temps à Kansas City, dernièrement. Tu me
dirais pas pourquoi, en gros ?
— Pour faire des courses.
— Tu n’aurais pas croisé Dick Liddil, par
hasard ?
— Non.
— En gros, ça remonte à quand, la dernière
fois que tu l’as vu ? »
Bob fit mine de calculer.
« Décembre.
— Si longtemps ?
— Si on t’a affirmé le contraire, c’est
faux.
— Tu n’as aucune idée d’où il pourrait
être ?
— Franchement, non. Il y a plein de
rumeurs qui courent, mais elles se contredisent toutes.
— Il ne se serait pas rendu histoire de
toucher la récompense ?
— Navré de ne pas pouvoir t’aider
davantage, mais depuis Noël, je ne suis pas en position idéale – les potins
intéressants ne parviennent pas jusqu’à Richmond ; il est surtout question
de pochtrons et de voleurs de cochons. »
Jesse parut en convenir. Il reporta son
attention sur Charley, qui marchait au soleil dans l’herbe haute avec Tim, ses
lunettes bleues sur le bout du nez, et lisait à voix haute, par-dessus la
monture, un livre abîmé par la pluie qu’il avait dû dénicher près des
balançoires.
« “Ils se tenaient prêts, les rênes entre
les dents, un Colt chargé dans chaque main.” »
Jesse se leva et se dégourdit les jambes. Il
fronça les sourcils.
« Qu’est-ce que c’est que ces cochonneries
qu’il raconte à mon fils ? »
Charley poursuivit :
« “Jesse poussa un hurlement sauvage et
les huit hommes fondirent sur les pistoleros par surprise ; avant même la
fin de la première salve, la moitié des Mexicains étaient morts.” »
Jesse se dirigea à grandes enjambées vers
Charley, qui lui fit un immense sourire.
« J’arrive au meilleur passage, annonça-t-il.
“Bustenado rata sa cible, mais Jesse,
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