L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
magazines
lithographiées.
La dépouille de Jesse James fut placée sur une
dalle entourée de glace pilée et Mrs James fut escortée jusqu’à la chambre
froide par Enos Craig. Zee était si accablée de douleur et de chagrin qu’elle s’évanouit
dans les bras du marshal, puis resta assise sur une chaise jusqu’à deux heures
de l’après-midi, catatonique, sans pleurer ni parler, indifférente aux autres
visiteurs, à fixer son mari assassiné à trente-quatre ans.
Au même moment, Bob et Charley enchaînaient
mécaniquement les entretiens avec la presse. Nombre de journalistes relevèrent
que les Ford paraissaient fiers de leur haut fait et méprisants envers tous
ceux qui s’étaient dernièrement lancés sur les traces des frères James. Leurs
propos étaient sarcastiques, caustiques, provocants, vaniteux, trompeurs. Charley
préempta l’essentiel de la conversation et exagéra son rôle et ses
responsabilités afin de s’assurer l’indulgence du gouverneur. Bob mentit et
prétendit qu’il était employé par une agence de détectives de Kansas City, qu’il
avait vingt et un ans, que Jesse portait quatre revolvers et non deux calibres
.45, qu’il n’avait lui-même jamais fait partie de la bande des frères James, qu’il
avait atteint Jesse à la tempe gauche alors que celui-ci se retournait et non
derrière l’oreille droite. Quand on leur demanda s’ils craignaient des
représailles de la part de Frank James, Bob répliqua, comme s’il eût préparé
cette réponse à l’avance : « Si Frank James veut se venger, il faudra
qu’il ait la gâchette plus rapide que les deux jeunes gens que vous avez devant
vous ; et si on se croise tous les trois et que le sang-froid et la
vivacité doivent faire la différence, alors ce sera Bob Ford qui abattra Frank
James. »
Un policier rapporta du pavillon des vêtements
propres pour Charley et un costume en tweed gris pour Bob, puis une fois qu’ils
se furent lavés et changés, on remit aux Ford des fusils et ils gagnèrent à
pied le tribunal du comté de Buchanan, tout proche, sous des parapluies que
cinglait une averse.
La salle d’audience du tribunal se situait au
premier étage et, déjà, elle était plus bondée qu’un bateau d’immigrants ;
des femmes pâles occupaient les bancs, des enfants se pressaient entre les
jours des balustrades ; des correspondants de toutes les villes
avoisinantes, des commerçants en tablier sous leur chandail, des hommes d’affaires
à la moustache intimidante, habillés de complets et d’imperméables quasi
synonymes, des fermiers coiffés de chapeaux tombants et arborant des barbes
farouches étaient assis dans les allées, se coudoyaient, se bousculaient dans
tous les recoins. Tout le monde suivit des yeux les six agents de police et les
frères Ford qui rejoignaient les places qui leur étaient réservées du côté de
la défense, en martelant le plancher en chêne de leurs bottes, les pans de
leurs vestes coincés derrière la crosse de leurs pistolets.
Dissimulée sous une robe en soie noire et une
voilette marron foncé, Mrs Zee James était installée avec Enos Craig du
côté de l’accusation ; Henry Craig se tenait au second rang, un bloc-notes
sur les genoux, ses besicles rondes sur le bout du nez. Tout juste adressa-t-il
à Bob un sourire fugace avant de trouver prétexte à noter quelque chose. Bob se
pencha en avant et avisa Zee qui pleurait, le procureur qui donnait des
instructions au coroner Heddens à la table du greffier, puis parcourut la salle
des yeux. L’assistance, surprise par son jeune âge, se mit alors à faire des
commentaires sur son physique, à cancaner sur sa dépravation et à lui jeter des
regards méprisants ; mais Bob sut contrôler ses émotions et examina ses
doigts tandis que le coroner Heddens et les six membres du jury ressortaient de
l’antichambre du juge et qu’un huissier annonçait que l’enquête du coroner
était ouverte.
Le premier témoin appelé à la barre fut
Charles Wilson Ford. Il attesta qu’il avait vingt-quatre ans et qu’il résidait
à la ferme de Mrs Martha Bolton dans le comté de Ray quand il avait fait
la connaissance de Jesse James en 1879.
« C’était un bon vivant et moi aussi, exposa-t-il.
Il jouait un peu, il buvait un peu, et moi aussi. »
Même si Charley affirma qu’il n’avait jamais
pris part à aucune attaque avec la bande des frères James, la plupart de ses
déclarations ultérieures étaient vraies.
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