L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
malheureux à cause de sa mère trop envahissante et de son
beau-père, le Dr Reuben Samuels. Il eût voulu rejoindre Zee à Kansas City ou
être mort en bas âge à la place de Robert, son second frère aîné. Une fois, il
fugua même de Kearney pour aller passer Halloween avec elle – mais la plupart
du temps, ils se voyaient durant les vacances, à l’occasion de visites lors
desquelles Jesse lui demandait si elle souhaitait qu’il donne pour elle une
leçon à certains garçons ou lui jurait ses grands dieux que le baiser qu’il
avait échangé avec une fille du nom de Laura ne signifiait en rien qu’il n’était
plus l’obligé de Zee.
La guerre de Sécession interrompit le cours de
leur amour. Les troupes de l’armée de l’Union, désespérées, incompétentes et
indisciplinées, brimaient et emprisonnaient la population civile du Missouri, pillaient
les récoltes ou les réserves de provisions et mettaient à sac les commerces, exacerbant
les sympathies sudistes. Les jeunes gens indignés, dans l’incapacité de s’enrôler
sous le commandement du général Shelby dans l’armée confédérée, ralliaient des
bandes de partisans, comme celle de William Clarke Quantrill, que Frank
rejoignit en 1862 et, par représailles, la milice unioniste de l’État s’en prit
à leurs familles. Les miliciens se rendirent ainsi à la ferme de Kearney et
capturèrent au lasso le Dr Reuben Samuels alors qu’il cherchait à se réfugier
dans sa cave ; comme il refusait de leur communiquer le moindre
renseignement quant aux objectifs ou aux plans des francs-tireurs, ils jetèrent
la corde par-dessus une branche d’un bonduc du jardin, passèrent le nœud
coulant autour du cou du docteur et le soulevèrent de terre à quatre reprises, l’étranglant
presque et lui occasionnant des lésions cérébrales qui devaient s’aggraver avec
l’âge. Puis ils cherchèrent à tirer les vers du nez de Mrs Zerelda Samuels
et la malmenèrent bien qu’elle fut enceinte de la petite Fannie Quantrill Samuels,
avant de se désintéresser d’elle pour se lancer à la poursuite du gamin de
seize ans qui travaillait dans les champs. Jesse écrivit deux jours plus tard
qu’il se débattait avec une charrue à mancherons quand il avait lancé un coup d’œil
sur sa droite et aperçu les hommes de la milice qui galopaient vers lui, armes
à la main et manteaux flottants au vent. Ils l’avaient fait courir jusqu’à ce
que ses jambes ne soient plus que du caoutchouc. Un milicien avait harcelé
Jesse avec un long fouet tressé alors que l’adolescent tentait de se dérober en
se faufilant à travers les rangs de plants de maïs et lui avait zébré le dos de
marques et de plaies jusqu’à ce que son épiderme ne fut plus qu’une carte de
géographie. Quelques semaines à peine après cet épisode, ils avaient arrêté Mrs Samuel,
ainsi que Sally et Susan, les sœurs de Jesse (respectivement âgées de quatre et
treize ans), pour collusion avec l’ennemi, et les avaient internées dans une
prison de St Joseph. Les lieutenants de Quantrill, parmi lesquels Bloody
Bill Anderson et Cole Younger, organisèrent ensuite un raid sur Lawrence, Kansas,
où ils massacrèrent cent cinquante hommes sans défense, puis saccagèrent et
brûlèrent les bâtiments de la ville avant d’aller se saouler dans les saloons
dévastés en glorifiant leur victoire ; Frank James prit part à l’expédition.
En réaction à cette tuerie, le général Thomas Ewing édicta l’Ordre général numéro
11 en vertu duquel plus de vingt mille personnes résidant dans des comtés du
Missouri favorables aux troupes irrégulières furent expulsées. Le Dr Samuels
rassembla tous les biens de la famille et celle-ci partit s’installer à Rulo, dans
le Nebraska, juste de l’autre côté de la frontière, peu après quoi les lettres
et les visites dominicales de Jesse cessèrent. En 1864, Zee apprit que son
turbulent mais déterminé cousin servait sous les ordres de Bloody Bill Anderson.
Celui-ci devait son surnom de Bill le
sanguinaire à la rumeur selon laquelle il avait coupé la tête de plusieurs
ennemis avec son sabre de corsaire, ainsi qu’au fait qu’il eût pour étendard le
drapeau noir et chevauchât avec sept scalps ballottant accrochés à sa selle. Jesse
James était sa recrue préférée ; du jeune homme, Anderson disait :
« Bien qu’il n’ait pas encore de barbe, c’est le plus intelligent et le
plus respectable des combattants
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