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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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Samuels avec Zee.
    La propriété de Kearney était peu ou prou
demeurée la même depuis que sa mère en avait hérité du pasteur Robert Sallee
James : cent vingt hectares de maïs, d’avoine et de prés, une trentaine de
moutons, quelques bovins, une écurie, un attelage de bœufs, une grange et un
corps de logis orné d’un portique à colonnes blanches et divisé en quatre pièces
avec des plafonds de trois mètres, ainsi que deux domestiques noirs affranchis
(contre sept esclaves avant la guerre). La maison abritait deux cheminées en
brique larges comme des prisons, des meubles d’occasion rapportés du Kentucky
et cirés à l’huile de lin, ainsi qu’une bibliothèque dont le fonds comprenait
des ouvrages de mathématiques, de théologie, d’astronomie, d’horticulture, de
rhétorique, de latin, et du Shakespeare. Jesse aimait à emmener sa cousine dans
le salon, à ouvrir un livre et à lire à voix haute le premier passage qui
attirait son attention, avant de sourire à Zee comme s’il venait d’accomplir
quelque énigmatique extravagance.
    Il rendait visite à sa fiancée à Harlem et
tous deux se promenaient dans le froid, emmitouflés dans des manteaux en peau
de mouton, ou échangeaient des gorgées de jus de cerise et de soda près du
fourneau de l’apothicaire. Ils bavardaient avec les voisins et la famille, se
donnaient des surnoms ou, allongés sur le dos, appuyés sur les coudes, contemplaient
la lente extinction du feu derrière la grille du foyer du salon. La santé de
Jesse était encore si précaire qu’il devait s’arrêter à chaque marche quand il
montait un escalier et que son estomac peinait parfois à absorber toute la
nourriture qu’il ingérait, si bien que leurs activités s’en voyaient entravées,
leurs soirées tronquées et que leur vie sociale s’assortissait souvent de mille
maux et regrets.
    Zee présenta Jesse à ses amies lors de
diverses fêtes lors desquelles il avait toutes les difficultés du monde à ne
pas piquer du nez dans son thé ; quelquefois, elle le retrouvait dans d’autres
pièces ou au grenier, où il inspectait chaque objet comme dans une vente aux
enchères. Ses propres copains, en revanche, faisaient ses délices ; il
envoyait poste restante dans des tavernes des lettres chiffrées adressées à des
destinataires usant de pseudonymes et jubilait quand il recevait une réponse ;
même après que ses amis avaient pris congé, il continuait à savourer leur
conversation, répétait à Zee des anecdotes horribles qu’elle avait encore
gravées à l’esprit et lui détaillait les caractéristiques qu’il appréciait le
plus chez ces brutes.
    Ce fut à Kearney que Jesse présenta Cole, Jim
et Bob Younger à Zee et elle prit sur elle pendant tout un repas avec les
quatre hommes, ainsi que pendant plusieurs tournées de cigares, avant de s’excuser
et d’aller faire un tour sur la pelouse, vêtue d’un pull, afin de goûter le
silence et de boire l’obscurité comme un sédatif, jusqu’à ce qu’elle se sentît
un peu moins animée. Jim et Bob étaient très bien – cordiaux, sveltes, irrésistibles
–, mais Cole était un rouquin bovin avec des favoris et une moustache en fer à
cheval, encore plus exubérant et extraverti que Jesse, avec des traits de
visage qui eussent pu être ceux d’un jumeau, et la conjonction de ces deux
hommes était si électrisante, si flamboyante qu’à côté d’eux, Zee se sentait
lente, renfermée, consumée.
    Et Cole était cruel ; il faisait remonter
le pire chez Jesse ; il se vantait souvent d’avoir « haché menu »
telle ou telle personne, et un épisode de la guerre de Sécession qu’il avait
raconté en présence de Zee avait terrifié celle-ci : afin de tester l’efficacité
à bout portant d’un fusil britannique, Cole avait un jour attaché à la queue
leu leu quinze partisans nordistes du Kansas. Le premier tir avait transpercé
trois hommes au lieu des dix escomptés. « Détachez-moi ces macchabées !
s’était-il exclamé. Le nouveau Enfield tire comme un pistolet à bouchon ! »
Il lui avait fallu sept balles pour venir à bout des quinze prisonniers et il
en était dès lors revenu au Springfield Army de calibre .45. Jesse l’avait
écouté avec une froide admiration, comme s’il eût assisté à la résolution d’un
problème mathématique complexe sur un tableau noir ; Zee s’était, elle, projetée
à la place du dernier prisonnier, éperdu, esseulé, les

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