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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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lui brûlaient. À ce
moment-là, Wood apparut derrière la porte treillissée, en chemise de nuit, le
cheveu dru comme une plante d’intérieur.
    « Ne serait-il pas temps d’aller au lit ? »
suggéra-t-il.
    Dick baisa les appétissantes mimines de Sarah
et gagna sa chambre au premier étage.
    Il quitta ses bottes et ses habits, puis se
glissa sous les draps. Il tapota son oreiller, se tourna, se retourna, puis
informa Wood qu’il avait bu trop de café. Il se leva, en caleçon long et en
chaussettes de laine et croisa le regard noir de son compagnon de chambrée.
    « J’ai un besoin affreux d’aller au
cabinet », assura Dick.
    En réalité, il descendit au rez-de-chaussée à
pas de loup et entrebâilla de quelques centimètres la porte de la chambre de
ses hôtes, dans laquelle le major George Hite, seul dans le lit, ronflait avec
abandon. Dick sortit en ayant soin de ne pas faire claquer la porte treillissée.
Il contourna un rocking-chair et marcha sur la pelouse fraîche jusqu’à un
double cabinet d’aisances au fond du jardin. Les parois en planche laissaient
filtrer la lumière d’une chandelle à l’intérieur par chaque brèche et chaque
interstice. Dick marqua un temps d’arrêt, scruta les alentours, puis entra dans
le cabanon et referma avec précaution la porte derrière lui.
    La chandelle était posée de guingois dans un
godet en fer-blanc cloué au-dessous d’un petit fenestron à côté duquel trônait
Sarah, aussi solennelle qu’une enfant, la jupe retroussée, ramassée comme un
paquet de linge sale, les cuisses pâles, serrées, ridées de quelques plis
adipeux, les chevilles fines, mises en valeur par ses chaussures. Elle rougit, les
yeux baissés telle une jouvencelle, mais elle paraissait moins outrée qu’amusée.
    « Voilà qui est embarrassant, fit-elle.
    — Allez-y, faites votre affaire, ça ne me
dérange pas.
    — À vrai dire, j’ai comme qui dirait le
trac, avec un étranger à côté de moi.
    — Vous êtes terriblement belle.
    — Vous trouvez ?
    — Je n’ai jamais vu des bras et des
jambes aussi sculpturaux. »
    Elle effleura du regard la confirmation
oblique que lui apportait l’entrejambe de Dick, puis les yeux bleus et froids
de celui-ci.
    « Wood est-il réveillé ?
    — Non, rien que moi. »
    Elle contempla un instant ses genoux, puis
souffla la bougie. Elle se leva, sa robe bleue marine autour de la taille et s’avança
timidement vers Dick.
    « Je parie que vous me preniez pour une
vraie dame », susurra-t-elle.
    Dick Liddil regagna
discrètement la maison sur le coup de onze heures, gravit les escaliers sur la
pointe des pieds pour éviter que les marches ne craquent et s’aperçut que le
lit de Wood était vide. Il s’allongea sur le matelas une minute ou deux, passant
en revue causes et effets, puis sortit son pistolet de son étui et le dissimula
sous la couverture tel un objet de plaisir. Il se réveilla à l’aube, au son de
la voix calme de Wood Hite, au milieu de la phrase : « … au clair de
lune et j’ai délibéré quant à la conduite à tenir. Fallait-il que j’envoie
cette vipère ad patres ? Que je réduise sa jolie petite gueule en charpie ?
Ou encore que je lui coupe les rognons blancs comme à un bouvillon ? »
    Il était assis sur son lit, à côté de Dick, des
valises vertes sous les yeux à cause du manque de sommeil, dans un rai de jour
qui pénétrait par la jalousie et accusait son nez gigantesque. D’une manière ou
d’une autre, il s’était emparé du pistolet de Dick, pour lors coincé sous sa
cuisse.
    « Mais j’ai tenu compte des mois que nous
avons passés ensemble du mauvais côté de la loi et j’en suis arrivé à la
conclusion que nous devrions nous battre en duel – et que le meilleur gagne.
    — Tu dramatises alors qu’il n’y a pas
lieu, Wood. »
    Wood lui asséna un coup d’oreiller. « C’est
l’honneur de toute la famille Hite qui est en jeu ! » Dick et Wood se
retrouvèrent donc dos à dos sur la pelouse blanche de givre, le revolver levé à
hauteur d’oreille, tel un appareil auditif. Dick était en bottes et en caleçon
long et, pendant que Wood établissait les règles du duel, il ne cessa de
plaisanter, de négocier et de mettre en garde son adversaire quant aux dangers
qu’il encourait. Puis Wood compta à voix haute d’un ton funèbre et compassé et
tous deux marquèrent chaque chiffre d’un pas, laissant derrière eux un sillage
vert dans l’herbe.

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