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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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majordome
frappa doucement à la devanture d’un restaurant dans lequel, de l’autre côté de
la vitre, Dick sauçait une assiette de ragoût avec du pain de seigle. Dick
sortit et Tabor lui enjoignit du regard de le suivre dans une allée. L’ancien
esclave avait environ cinquante ans, il était sec comme un coup de trique, brun
comme le cuir d’une selle et se targuait de ressembler au sénateur Henry Clay, le
Grand Pacificateur, à l’origine de plusieurs compromis entre le Nord et le Sud
avant la guerre de Sécession. Il releva le col de son manteau, souffla dans ses
mains et son haleine se résolut en une carte de l’Alaska dans l’air glacé.
    « Plus question que je transmette de
messages, annonça-t-il. Et plus question que j’aille chercher Sarah pour vous
non plus. »
    Dick se rendit compte que sa serviette de
table à carreaux était toujours rentrée dans son pantalon. Il l’en retira et
essuya sa large moustache avec un coin.
    « On se fait de la bile, John ?
    — Ouais, tout juste. » Il jeta un
coup d’œil à la ruelle déserte par-dessus son épaule, puis se pencha vers Dick.
« Wood m’a surpris entre la haie et le blé et ça n’a pas eu l’air de trop
lui plaire qu’un bonhomme de couleur soit au parfum des secrets d’une Blanche
et qu’il lui arrange le coup avec un gus qui n’est pas le mari de la dame. Pour
le moment, il en sait pas lourd, mais il a des soupçons et c’est déjà trop pour
moi. Si je fais pas gaffe, il me fera la peau.
    — Jamais de la vie.
    — Il dit que si. Il a parlé de me coller
une hache entre les deux yeux.
    — Mais elle veut qu’on se retrouve
quelque part, non ? Vu que tu as fait tout ce chemin, autant que tu me
dises où, et ce seront tes derniers mots. »
    Tabor se rencogna dans son manteau et s’avança
face au vent. Dick le rattrapa et le majordome lâcha : « Au bord de
la rivière, vers la porcherie. Demain soir, aux alentours de neuf heures. Voilà.
Dorénavant, je serai une tombe. Vous n’aurez plus jamais affaire à John Tabor. »
    Le lendemain soir, Dick Liddil sella sa jument
baie vers sept heures et prit la direction du sud au pas, l’estomac si
barbouillé qu’il eut recours à un remède prescrit par Jesse et ingurgita des
sels d’acide tartrique et de la gomme arabique en poudre. Lorsqu’il s’engagea
sur les terres des Hite, la panique s’empara de lui ; il se mit à faire
décrire des voltes à son cheval pour scruter les bois enténébrés, pour
déchiffrer le bruissement des feuilles d’automne, pour braquer son Colt Navy
sur un raton laveur qui plongeait humblement dans l’eau. Les arbres gémissaient
et soupiraient sous les assauts du vent ; les herbes oscillaient en
chuchotant tels des proches en deuil dans un petit salon éclairé de bougies ;
et Dick évoquait partout des fantômes, aussi effrayé qu’un homme seul dans une
pièce fixant la poignée d’un placard qui tourne lentement et la porte qui s’ouvre
peu à peu.
    Il traversa un pré et guida sa monture vers le
bord de la rivière, progressant dans l’eau qui arrivait à peine à la hauteur
des sabots de sa jument. La porcherie se composait d’une remise trapue qui
abritait les stalles d’engraissement et d’un enclos boueux ceint d’une
grossière barrière de planches. Dick fit grincer sa selle, consulta sa montre
de gousset à la lueur d’une allumette et chercha Sarah des yeux. Il mit pied à
terre et laissa sa jument traîner ses rênes où bon lui semblait et brouter les
frondaisons tandis qu’il gravissait la berge.
    Les verrats grouinaient, grognaient et se
grimpaient les uns sur les autres, se disputant de la nourriture dans un coin. Le
vent courbait les herbes et Dick sentait l’appréhension étendre ses tentacules
dans son dos. Les porcs, attroupés, renâclaient, puis il y eut un bruit
rappelant les pages d’un livre qu’on déchire et les pourceaux se massèrent avec
des cris aigus autour d’une truie qui s’éloignait du coin en boulottant
goulûment quelque chose. Dick s’appuya à la barrière de l’enclos comme un
garçon de ferme un peu lent.
    « Qu’est-ce que vous bâfrez, bande de
sagouins ? » fit-il.
    Il entrevit alors une chaussure et une cheville
au milieu des cochons qui se bousculaient et bataillaient au-dessus d’un
manteau en laine plein de boue. Un frisson glacé lui picota la peau, un liquide
salé lui emplit les yeux et il se mit à vociférer contre les animaux et à leur
cingler les

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