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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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passait le plus clair de
son temps à évoquer deux pouliches qu’il faisait concourir dans le Kentucky
afin que son manque d’assiduité ne parût pas suspect.
    « Je ne me souviendrai jamais de tout ça,
se lamenta Charley.
    — Il le faut.
    — Et moi, c’est quoi mon pseudonyme ?
Je peux difficilement me contenter d’être juste Charley Ford. »
    Jesse envisagea diverses possibilités tandis
qu’ils traversaient une plaque de neige et tapaient leurs bottes sur la véranda
de la maison.
    « Johnson, suggéra-t-il enfin. Pourquoi
est-ce que tu ne t’appellerais pas Johnson ? »
    (Bien plus tard, Charley apprit que c’était le
nom d’un homme que Jesse avait poursuivi en justice pour « allégations
frauduleuses » dans le Tennessee.)
    La porte d’entrée s’ouvrit avec un appel d’air
et la contre-porte trembla contre le chambranle. Zee se découpa dans l’embrasure,
attifée d’un tablier orange en vichy ; à cheval sur l’une des larges
hanches de sa mère, Mary pleurait, les yeux baissés. Zee lança un regard triste
à Jesse, puis ouvrit la contre-porte qui s’embuait.
    « Tiens, Charley, cette fois », lâcha-t-elle.
    Dick Liddil récupéra
lentement de sa blessure, en raison d’une infection de couleur bordeaux
pareille à une pomme fendue qui bourgeonna sur le muscle de sa cuisse, mais
moins d’une semaine après la visite de Jesse, il était suffisamment rétabli
pour monter à cheval et il devint de plus en plus fréquent que Dick et Bob
déjeunent ensemble à Richmond, où ils travaillaient comme commis ou jouaient
aux dames à l’épicerie d’Elias Ford. Ils prétendaient bien haut être en quête d’autres
sources de revenus, mais prétextaient par ailleurs des engagements antérieurs
dès qu’on leur proposait un emploi. Ils se renseignèrent vaguement au sujet de
la bande de Jesse James, du bureau du shérif, des détectives d’Allan Pinkerton
et de la traque des auteurs des attaques de Winston et de Blue Cut. Bob s’avisa
alors de la présence de plus en plus insistante d’un homme qui prenait des
notes dans un cahier, seul à une table dans les saloons, qui fixait Dick
par-dessus la mousse de sa bière, appuyé à une queue de billard, ou qui se
retournait dans son immense capote grise de soldat, lorsqu’il passait dans la
rue sur un cheval châtain, pour observer les deux hors-la-loi qui se
débarrassaient de la neige sous leurs semelles avant d’entrer chez l’apothicaire.
    Pour finir, un jour à déjeuner au cours de la
semaine de Noël, Bob apporta son assiette de tourte au pigeon à la table ronde
du fond de la salle où était assis leur ange gardien renfrogné et se coupa une
bouchée avec sa cuillère en jaugeant son vis-à-vis.
    Comparé à Bob, l’homme était énorme – aussi
grand que Frank James, mais plus musclé, un mètre quatre-vingt-huit au bas mot,
le poitrail et les épaules aussi larges qu’un portail. Il était d’une beauté
exceptionnelle, exotique, non exempte de malveillance. Il avait des airs de
dresseur de lion ou d’exilé interlope de mélodrame ; il avait la peau
aussi brune que la robe de son cheval, sa moustache lui recouvrait la bouche, telles
les ailes d’un corbeau et ses yeux qui étudiaient Bob avec une arrogance
confinant à l’animosité luisaient du même noir que le café au fond d’une tasse.
    « Navré de vous déranger, s’excusa Bob. Je
ne voudrais pas interrompre votre repas, mais je n’arrête pas de voir votre
tête un peu partout dans Richmond et je ne vous remets pas.
    — Je suis propriétaire d’une écurie de
louage à Liberty. Peut-être que c’est là-bas que vous m’avez vu.
    — Bien sûr. Ça doit être ça. »
    L’homme loucha derrière Bob, vers Dick.
    « Pourquoi ne pas inviter votre ami à
nous rejoindre pour que nous fassions connaissance ? »
    Bob y réfléchit un instant, puis fit signe à
Dick, qui descendit de son tabouret et boitilla jusqu’à eux avec sa tasse en
semant des gouttelettes de café rondes comme des piécettes sur le plancher. D’une
botte invisible, l’homme écarta deux chaises de la table et Dick et Bob prirent
place avec méfiance.
    « J’ai aussi été constable du district de
Liberty pendant deux ans. Il se pourrait que ce soit de là que vous me
connaissiez.
    — Non, ce doit plutôt être à cause de l’écurie. »
    Dick se voûta au-dessus de sa tasse à café
afin de dissimuler autant que possible son visage.
    « Et je suis shérif du

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