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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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passons l’éponge ! »
    Johnny se campa sur la route et ferma les pans
de son manteau en laine.
    « Je ne suis pas sur ta foutue propriété,
George ! cria-t-il. Je suis sur la voie publique ! »
    Et il se mit à sauter et à danser la sabotière
dans la neige rien que par provocation.
    Rhodus vit rouge et alla récupérer un pistolet
dans un placard. Il se fraya un chemin entre les hommes qui essayaient de le
retenir et s’avança sur le trottoir avec un revolver confédéré pointé sur le
chapeau noir à bord plat de Johnny. Il tira un coup, une femme hurla et les
trois indésirables s’accroupirent.
    « Foutez le camp ! » beugla
Rhodus.
    Mais John Samuels se releva avec une brique qu’il
avait dû desceller du trottoir et s’élança en direction de la maison, puis
propulsa avec effort le projectile à travers une haute fenêtre qui se brisa
comme l’écume d’une vague. La brique fit voler un rideau, défonça le parquet en
cerisier ; l’instant d’après, le revolver faisait feu une seconde fois
avec une détonation si assourdissante qu’il sembla y en avoir deux ou trois et
des volutes de fumée bleutée grisaillèrent dans le froid. La balle frappa
Samuels au flanc droit et le fit tournoyer sur lui-même. Il vacilla comme si l’on
venait de lui jeter quelque charge encombrante, puis porta une main vers le
haut de ses côtes et regarda avec une sobriété soudaine teintée de détresse et
de désappointement la maison illuminée de Rhodus, avant de tomber à la renverse
et de heurter la route avec son crâne, tel un bloc de bois.
    S’ensuivit, bien entendu, une profonde
consternation. Six hommes transportèrent John Samuels à l’intérieur de la
maison de Rhodus et l’allongèrent devant les braises de la cheminée, où on lui
ôta ses habits avec une délicatesse exagérée et où on laissa cuire sa peau nue
jusqu’à ce qu’elle fût aussi chaude qu’un rôti. Un ostéopathe qui se trouvait
dans les parages s’agenouilla auprès de John, tritura la blessure, appliqua son
oreille contre le poumon droit. Et tandis que se propageaient les hypothèses, les
rumeurs et les spéculations les plus folles et les plus contradictoires quant
aux raisons pour lesquelles John s’était fait tirer dessus, George Rhodus
invita quelques-uns de ses invités masculins à conférer avec lui dans sa
chambre à l’étage, où il leur fit à l’évidence jurer le secret quant aux
circonstances de « l’incident », comme ils le qualifièrent ensuite.
    Ce fut à ce moment-là que les frères Ford s’éclipsèrent,
afin qu’on ne pût les accuser de collusion, et pendant toute la semaine
suivante, Bob se rendit chaque jour à Richmond pour éplucher les journaux en
quête d’informations concernant les suites de l’algarade. Le Kansas City
Journal écrivit que « le jeune Samuels est, d’après les témoignages, calme
et mesuré en temps normal, mais turbulent sous l’emprise de l’alcool ; c’est
précisément en état d’ébriété qu’il s’est présenté à la soirée, où après s’être
retrouvé impliqué dans une dispute, il a été mis à la porte, en représailles à
quoi il a lancé une brique à travers l’une des fenêtres. » Suivait un
compte-rendu de l’accident et le bilan de santé de Samuels, qui se concluait
par le pronostic : « On redoute sa mort d’un jour à l’autre. »
Il n’était cependant presque pas question de George Rhodus, hormis une phrase
ou deux en rapport avec l’enquête du shérif ou l’examen à venir des faits par
la chambre des mises en accusation, si bien que Bob rentrait chaque après-midi
à la ferme déconcerté. Il s’attendait quotidiennement à découvrir la notice
nécrologique de George Rhodus ou un fait divers macabre relatant l’exécution d’un
producteur laitier – empalé avec son sabre de l’armée confédérée, par exemple, alors
qu’il faisait acte de contrition dans une chapelle, à genoux sur un prie-Dieu, ou
encore assassiné durant sa sieste sur le canapé du salon par quelqu’un qui lui
aurait versé de l’acide carbolique dans l’oreille à l’aide d’un entonnoir.
    Mais il ne se produisit rien du tout. Johnny
Samuels agonisait et Jesse ne le vengeait pas. Peu après, même les chroniqueurs
juridiques se désintéressèrent de « l’incident » de Greenville et ce
fut tout juste s’ils mentionnèrent dans un entrefilet que la chambre de mise en
accusation « n’avait retenu aucun chef

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