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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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quand je la serrai en
cette sordide cellule, notai-je la passivité de son corps que je pressai, mais
qui ne se pressait point, comme si ma Margot n’était plus qu’une poupée de
chiffon, sans âme et désincarnée.
    Il me tardait de quitter l’endroit et nous n’y fîmes point
siège car, décidant d’amener la chef maquerelle à M. de La Porte,
c’est sur le seuil de l’ancien couvent que nous encontrâmes celui-ci, lequel
arrivait diligemment, flanqué de Samson à son côté et suivi par une dizaine
d’archers du guet. Mon maître rendit compte au lieutenant-criminel de notre
action au couvent, trouvant là, je suppose, une belle revanche à l’humiliant
épisode de la lettre, puis jetant un coup d’œil à Margot, et à moi, il requit
de sa part la permission de retourner en Mespech, ce que de très bonne grâce
celui-ci nous accorda. De son enquête je ne puis en dire que néant mais je n’ai
guère de doute qu’il fit ouvrir toutes les cellules, permettant ainsi aux
garces prisonnières qui le désiraient de s’ensauver de leur geôle et de
regagner leur famille.
    Margot se retrouva en croupe, derrière moi, en une position
que nous avions goûtée avec tant de délices peu de mois auparavant. Mais il en
fut d’une tout autre potion en ce retour, bien amère et désespérante, car
Margot ne se colla mie à moi, bras ballants et présence absente, ne portant les
mains à mes flancs que pour résister à certains cahots du chemin qui la
faisaient glisser vers l’avant ou l’arrière. J’en doutais mais je dus
l’admettre, comme il ne sert à rien de nier les évidences : les infamies
et outrages que Margot avait subis en cette tristeuse aventure l’avaient atteinte
au plus profond d’elle-même, et mon corps d’homme devait lui révulser l’âme, la
maintenant distante et roide à mon encontre. Et la douceur de mes propos, la
retenue de mes gestes, n’y pouvaient mais, car ces attentions ne pouvaient
encontrer sa raison – laquelle se débattait impuissante –, mais
seulement sa chair meurtrie que rien ne pouvait consoler.
    À Mespech, elle reprit une vie ordinaire, sans entrain, avec
une inappétence en tout qui me désespérait, et c’était grande pitié de voir une
tant grande et vigoureuse garce, qui tantôt vibrait d’une belle sensualité, à
présent languissante et anxieuse comme une enfant malade. Au demeurant, il
s’agissait bien d’une intempérie, et de celles que le baron ne savait guérir,
dont le symptôme n’était que le désamour de la vie et des plaisirs.
    Elle accepta de me retrouver en la grange, comme autrefois,
et je crus bien que notre amour allait renaître par où il avait commencé, car
elle en rêvait aussi, mais au dernier moment elle se refusa, ne pouvant aller
au-delà de timides caresses, retenant sa main et la mienne comme une
effarouchée pucelle.
    Secret en mes états d’âme – tel je me suis présenté et
tel je m’y tiendrai –, je ne dirai pas plus avant ce qu’il nous fallut
endurer de tourments, Margot et moi, et maugré cela, je ne pouvais me détacher
d’elle, la compassion chargeant mon amour d’une nouvelle eau, et le tenant à
niveau de l’ancien, quoique d’une bien maigre substance.
    Ainsi, contre ces intempéries on ne peut rien, et l’onguent
qu’il y faut est le temps, lequel se déroule tout à la lenteur, tant le jour
est ralenti par le chagrin et l’attente. Il y fallut bien de la patience, bien
de la douceur et bien de l’attention pour recouvrir cette plaie, et d’y veiller
avec soin je m’employai, afin d’éviter qu’elle ne se rouvrît au moindre geste
et parole.
    Le moment où enfin Margot m’accueillit à nouveau, et que
nous pûmes coqueliquer derechef, fut pour moi assurément intense, non pas
d’exubérance, mais tout au rebours de tension et d’anxiété, tout à la crainte
que ne se réveillassent, avant le terme du déduit, des blessures que je sentais
encore si fraîches sous mes doigts. Mais Margot possédait aussi une force qui
reprit le dessus, et si je suis convaincu qu’elle n’oublia jamais ce qu’elle
endura, elle parvint à me le faire croire, sinon aux autres, et les mois
passant nous fûmes d’apparence comme au premier jour de notre amour.
    J’avoue aussi – et combien pourtant je souhaiterais ne
pas trop alourdir ce plateau – que ces temps incertains furent aussi ceux
de l’irréversible bascule de la petite Hélix vers la mort, elle qui n’avait
plus que les os

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