Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
Vom Netzwerk:
que je jetai ce jour-là dans ma besace y est toujours et
a beaucoup servi, en mille lieux et en mille occasions.
    — Debout, Miroul ! dit Pierre avec ardeur en se
levant lui-même, je vais te présenter Acla.
    Et sans attendre ni même vérifier si je le suivais, à grands
pas pressés, il traversa la salle commune, plantant là Samson et la petite
Hélix, les laissant à leur déjeuner du matin. Il me fallut presque courir pour
me maintenir à sa hauteur jusqu’au châtelet d’entrée qu’il dépassa et, parvenu
sur le premier pont-levis, il s’arrêta net, se retourna et, levant les yeux
vers les créneaux, il cria d’une voix forte :
    — Escorgol ! Escorgol ! Est-ce ainsi que tu
surveilles qui entre dans ce château, en rêvassant et bayant aux
corneilles ?
    À cette robuste apostrophe, une tête apparut entre deux
créneaux, timidement, se pencha vers nous, et une voix mal assurée nous
parvint.
    — Mais, Moussu Pierre, dit la voix, vous sortez, vous
ne rentrez pas…
    — Et lors, Escorgol, si j’entrais, tu m’aurais
vu ?
    — Pour sûr, Moussu Pierre, que je vous aurais vu !
    — À la bonne heure, Escorgol ! Dors en paix !
    Et, derechef, Pierre de Siorac reprit sa course en avant,
monta et descendit le court escalier qui permettait de passer la petite tour
entourée d’eau, puis franchissant le second pont-levis, posa le pied sur l’île
où les trois dogues se précipitèrent vers nous avec force jappements joyeux et
battements de queue. Mais ce n’étaient pas les chiens que Pierre de Siorac
cherchait en ce matin-là.
    — Sanguienne ! dit-il, ah çà, mais que fait donc
ma flâneuse ? Que n’est-elle dans le pré asteure ! Paresseuse, Acla,
fi donc ! Viens, Miroul, il faut que tu voies cette merveille !
    Et pénétrant dans le champ, il m’entraîna à son extrémité
jusqu’à un bâtiment, dont les abords étaient fort boueux mais, n’en ayant cure,
il avança sans ralentir et entra à l’intérieur. Je le suivis.
    Acla tourna sa belle tête, pointant ses oreilles dans notre
direction et fouettant son flanc de son ample queue en mille lanières, émit un
hennissement amical, puis, d’un pas lent, gracieux mais puissant cependant,
s’approcha de son maître qui lui flatta incontinent l’encolure. L’animal était
splendide, nul ne pouvait le nier, d’une belle robe noire, l’allure racée,
élégant, avec ce côté altier qu’ont souvent les chevaux de grande taille.
    — Comment la trouves-tu, Miroul ? me demanda
Pierre, redevenu un enfant et dont les yeux étincelaient de fierté.
    — Magnifique, Moussu Pierre, magnifique !
    Et je me laissai aller à lui caresser la croupe, songeant
avec assez d’angoisse que Pierre de Siorac souhaitait que j’apprenne à monter
sur ces hautes montures et à les diriger comme si j’étais leur maître. Pierre
alla chercher le tapis et la selle qu’il jeta par-dessus l’animal avec
autorité, sangla, passa le mors et, prestement, mettant le pied à l’étrier,
monta sur Acla, et partit au trot jusqu’au milieu du pré où il poussa un petit
galop en riant à gueule bec. En le voyant faire quelques tours et détours dans
le champ, je m’interrogeai sur les commandements qu’il semblait donner sans
effort à l’animal, lesquels je ne voyais pas et me paraissaient d’autant plus
mystérieux qu’ils étaient suivis d’effets immédiats ; trot, galop, pas,
arrêt et ainsi de suite. Cette science-là, m’apensai-je, n’était pas pour moi
mais pour ceux qui, comme mon maître, sont nés un cheval entre les jambes.
    Pourtant, sur un autre cheval que la belle Acla qui était la
propriété exclusive de mon maître, j’y parvins, avec quelques chutes mais sans
me rebiquer, bien conscient qu’il fallait en passer par là puisque Pierre de
Siorac le voulait et qu’il en allait de mon état de valet, lequel doit pouvoir
suivre son maître en toutes occasions, en tous lieux et par tous les moyens. Ma
connaissance et mon habitude des bêtes m’aidèrent en ce dessein car je n’avais
pas peur du cheval en lui-même, seulement de grimper dessus, et une fois
là-haut, branlant du buste et me cramponnant vaille que vaille, mon agilité fit
le reste sans que j’eusse trop à y réfléchir. En moins d’un mois, j’avais de
cette activité compris l’essentiel et eus à cœur de me perfectionner, trouvant
la chose plaisante assez, jusqu’à devenir un cavalier tout à fait honnête, même
si je n’ai jamais

Weitere Kostenlose Bücher