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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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courent après le plaisir comme
d’autres vont à la chasse, mais qu’ils reviennent toujours à la niche à la fin
de la battue. Elle ignorait cela et en pâtit plus qu’une autre, y voyant la
marque d’un grand désamour de son mari pour ce qu’elle était catholique, ce qui
en vérité ne changeait rien à ce que le baron était, et demeura, jusqu’à sa
mort.
    Or donc, François, épousant en cela la détresse de sa
mère – on ne peut le lui reprocher –, resta toujours et avec une
remarquable opiniâtreté, hostile au malheureux Samson qui n’en pouvait mais.
    Samson se leva, réveilla la petite Hélix – était-ce une
habitude ? – et nous descendîmes tous trois jusqu’à la salle commune.
La Maligou s’y trouvait et, dès qu’elle m’aperçut, leva ses bras au ciel,
poussa les mêmes cris d’orfraie qu’elle avait lancés la veille dans le
charnier, se signa mille fois et se mit à dévider sa longue ficelle
superstitieuse avec une force qui me laissa béant.
    — Doux Jésus ! Sainte Vierge ! Par tous les
Saints ! C’est le Diable ! Le Malin est au château qui vole
par-dessus les murs pour nous corrompre ! Protégez-nous du mal,
Tout-Puissant ! Il a trompé le baron, et même Sauveterre, et nous traînera
par les cheveux dans les feux de l’enfer ! Nous sommes perdus, tous, si
nous ne le jetons au bas des murailles, avec du sel dans les yeux et les
oreilles !
    Samson et la petite Hélix en restèrent interdits, muets de
stupeur, et Samson, à qui ce discours devant moi faisait honte assez, je crois,
me jeta un regard suppliant, comme pour me demander d’excuser ces incroyables
débordements. Mais il ne disait rien, bien incapable, comme en toute
circonstance, d’exercer la moindre autorité sur quiconque.
    — Suffit, la Maligou ! cria une voix forte à la
porte de la salle. Suffit ces fables et balivernes ! Miroul est mon valet
et je ne tolérerai pas une seconde de plus que tu lui manques de respect !
Retourne à tes marmites et tais-toi, ou je m’en vais te fouetter sur
l’heure !
    Pierre de Siorac se tenait droit, les jambes écartées, la
crête redressée, les yeux étincelants, et il paraissait à ce point furieux, que
la Maligou eut peur qu’il n’exécutât sa menace et la battît comme poule en
poulailler, si bien qu’elle se tut tout soudain et qu’il y eut dans la salle un
profond silence.
    — Oublie cette vieille folle, Miroul, me lança mon
maître en s’asseyant à la table, rien ne pourra la changer, c’est une convertie
de façade, toute à ses idoles, la Vierge et les Saints, et remplie de tant de
superstitions qu’un livre entier ne suffirait pas à les énumérer toutes !
    La conversion ! Voilà bien un point qui joua en ma
faveur auprès du baron et de Sauveterre car contrairement à tout le domestique
du château, je n’étais pas un ancien catholique converti de force, ou tout
comme, par la frérèche. Le lecteur se souvient que l’étau royal se desserrant
sur les protestants, les deux Jean avaient demandé à tous les occupants du
château d’embrasser la religion réformée, et de choix il n’y en eut point, nul
ne pouvant nier qu’un marché où on doit soit quitter sa religion, soit quitter
les lieux, est un pacte de dupes pour les gens de modeste condition qui ne sont
plus rien s’ils en viennent à perdre leur situation. Tous, donc, avaient
obtempéré aux désirs des maîtres, mais ils étaient nombreux à le regretter,
surtout les garces qui n’aiment rien tant dans le catholicisme que l’imagerie
de la Vierge et du petit Jésus, de l’âne et du bœuf, des rois mages, et des
innombrables saints à qui on peut se confier et demander intercession auprès du
Dieu inaccessible.
    Et ce fut bien une rude désillusion pour la frérèche que de
ne jamais avoir le domestique de leur côté en matière de religion, si ce n’est
par-devant avec les courbettes du faible devant le fort, tandis que
par-derrière les langues se déliaient, les cœurs se rebellaient, et que
triomphait un catholicisme rampant, d’autant plus regretté qu’il était
interdit. Je ne présentais pas ce défaut, né dans la religion de Luther,
sincèrement acquis à la Cause, et on ne pouvait mieux trouver comme valet,
dévoué et reconnaissant, pour accompagner le fils bien-aimé en la grande et
dangereuse ville de Montpellier.
    C’est pendant le calme trompeur qui suivit la forte
remontrance de Pierre à la Maligou que Barberine, la mère de la

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