Le Baiser de Judas
prophètes
qui prêchent la révolte.
— En passant par Bethphagé, il n’y aura
aucun problème. Jésus est de Galilée, de très nombreux Galiléens vivent par là :
ils l’acclameront et le protégeront. Mais il faut que cette entrée ait de l’éclat,
que tout le monde en parle. Après, nous le cacherons. La ville est immense.
— D’accord. Va préparer son entrée. »
Judas alla voir
Jésus et lui raconta les nouvelles.
« Ils ont emprisonné des dizaines des
nôtres. Je les délivrerai avec ce poignard, jura-t-il en tirant sa dague de sa
ceinture.
— Vous serez libres quand tu auras appris
à aimer », répondit Jésus.
Judas haussa les épaules et s’en alla, rageant.
L’arrivée à Jérusalem dépassa les espérances
de Judas et Simon. Les collines environnant la ville étaient couvertes de pèlerins
qui s’étalaient sans vergogne, certains ayant amené de loin des animaux à
sacrifier. Des soldats tentaient de les faire s’installer sur des emplacements
précis, souvent en vain. Toutes les auberges étaient pleines, et les remparts
transformés en caravansérail.
Ils entrèrent comme prévu par Bethphagé. Là, Jésus
eut l’idée de monter sur un âne. Judas protesta du ridicule de la chose, d’autant
qu’il avait prêté une attention particulière à l’habillement du prophète en lui
faisant revêtir, aidé par Pierre et Marie, une tunique de lin blanc que la
prostituée avait lavée et un manteau de laine, également blanc, auquel étaient
attachées les rituelles houppes bleues.
« J’entrerai à la fois en triomphateur et
comme le plus humble des messagers. Cela parlera tout de suite aux gens »,
se défendit Jésus.
Judas se laissa convaincre. Il ordonna à deux
disciples d’aller chercher un âne. Des abeilles attirées par le parfum dont
Marie l’avait couvert tournaient autour de la tête de Jésus.
Dès qu’ils approchèrent de l’entrée, la foule
commença à se masser. Il se dégageait de ces hommes et de ces femmes dont
beaucoup avaient dormi dehors une agressive odeur de suint et d’urine.
Franchir la porte fut difficile et Pierre dut
ouvrir le passage. Jésus ne savait trop que faire. Il ne pouvait parler tant le
bruit était grand et n’osait adopter une attitude provocatrice. Il resta assis
sur son âne, ce qui déchaîna un enthousiasme entretenu par quelques complices
de Menahem.
Beaucoup d’hommes tenaient des rameaux et les
jetaient sous les pieds de l’âne. D’autres criaient. Des enfants tapaient sur
des tambours ou soufflaient dans des petites cornes. Le pauvre animal, terrorisé,
poussait de longs braiments et seuls les coups de bâton assenés sans retenue
par Jacques, placé derrière lui, le faisaient avancer. Trois hommes voulurent
même jeter un tapis au-devant de ses pattes. Ils s’y prirent mal, le lancèrent
sur la tête de ceux qui étaient devant eux, et une bagarre faillit éclater
avant que, très vite, deux des apôtres ne placent où elle devait l’être la
précieuse étoffe. L’âne s’arrêta alors pour déposer quelques crottes, et ne
bougea pas avant d’avoir fini. Judas écoutait ce qui se disait. L’opération
démarrait bien : naissant dans ce désordre, sinon de lui, une véritable
ferveur se mêlait au sentiment d’une libération prochaine.
Une fois la muraille passée, ce qui prit une
bonne heure, la foule voulut encore les suivre. Un enfant égaré hurlait et
Jésus lui tapota la tête, sans bien comprendre tant il pleurait quel était son
drame. Des chiens errants grondaient, menacés de-ci de-là de quelques coups de
pied. Un homme voulait que Jésus vienne purifier son matelas, que sa sœur ayant
ses règles avait touché. Judas dut employer plusieurs feintes pour entraîner
Jésus sans révéler où il comptait le cacher. C’était à Béthanie, chez Caleb, un
charpentier. Avec délicatesse, Judas pensait que se retrouver chez un artisan
de sa profession pourrait aider à dissiper l’humeur sombre du prêcheur.
Le lendemain, Jésus
voulut aller au Temple. Une trentaine de personnes décidèrent d’y aller avec
lui. Jésus était particulièrement déterminé. Il parla de la lutte à mener, de l’expulsion
des Romains et de la mission que son père lui avait confiée, semblant pour la
première fois depuis longtemps les confondre.
Le groupe déboucha sur l’esplanade par la
porte de Coponius. Les travaux avaient été interrompus pour la Pâque, et
partout étaient entassés des blocs de
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