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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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continuaient à vouer aux
rebelles une haine inextinguible.
    La situation matérielle des siens était
pourtant précaire, et Judas se sentait souvent écrasé par des responsabilités
trop lourdes pour ses douze ans. Pour comble de malchance, le temps redevint
précocement sec et les récoltes furent à nouveau menacées. Le soir, du
toit-terrasse sur lequel il aimait monter à la tombée du jour, il regardait la
fournaise de la plaine et, certaines fois, n’était pas loin de maudire Dieu.
    Quand un jour, après un an de cette existence
difficile, sa vie reprit le cours qu’elle avait abandonné.
    *
    *   *
    Il lui fallait
toujours du temps pour s’habituer à l’obscurité de sa maison en arrivant du
dehors, et il aimait respirer l’odeur familière de farine et de poussière du
logis avant d’en bien distinguer les objets. Aussi ce jour-là remarqua-t-il la
forte odeur de l’homme avant de le voir. Mais il n’eut pas le temps de s’interroger
qu’une voix s’était élevée. Tout de suite, il la reconnut.
    « Bonjour, Judas.
    — Bonjour. »
    Ciborée se tenait debout derrière le tabouret
sur lequel était assis Barabbas.
    « Tu te souviens de moi ?
    — Oui. »
    Sous le regard du géant, Judas se sentit tout
petit.
    « Tu as le plus beau nom du monde, celui
de notre peuple. Tu reviens de travailler ?
    — J’ai dû aller cueillir des fèves, et j’ai
terminé une commande de trois jarres que nous avions.
    — Tu es fatigué ?
    — Un peu. »
    Sans même qu’il ait rien demandé, Ciborée lui
servit un grand verre d’eau, qu’elle puisa à la cruche. Judas la regarda en
souriant. Leurs relations avaient changé depuis qu’il était le chef de la
famille, et elle le traitait avec un respect qui, sans éliminer la tendresse, la
rendait plus appréciable encore. Du pied, il repoussa un mouton : vivant
dans le bas de la maison, ils étaient parfois suffisamment audacieux pour
monter jusqu’aux trois pièces d’habitation.
    « Ce n’est pas trop dur de s’occuper de
tout le monde ? reprit Barabbas.
    — Souvent, si. Nous ne savons pas trop où
nous allons.
    — Tu manques d’argent ?
    — Ça ne va pas tarder. Une vieille folle
m’a acheté des vases que je ne pensais même pas vendre, et cela nous a permis
de tenir un moment. Mais il ne restera bientôt plus grand-chose.
    — Et après ? »
    Judas sentit l’irritation l’envahir. Quoi, et
après ? Au nom de quoi Barabbas venait-il ainsi l’ennuyer, lui demander
des comptes presque ? Il répondit, soudain agressif.
    « Après, je verrai. Tu viens me proposer
une solution ? »
    L’homme sourit, et ce sourire le rajeunit, lui
rendant ses trente ans.
    « Toujours aussi impétueux, mon petit coq. »
    Il fouilla dans sa tunique et en sortit une
bourse qu’il jeta sur la table.
    « Tiens.
    — C’est quoi ?
    — De l’argent.
    — Pour nous ? »
    Judas ouvrit la bourse. Plusieurs pièces en
tombèrent. Il les ramassa et les fit glisser dans sa main, à la fois soulagé
par cette manne inattendue et agacé de sentir qu’il se faisait déposséder de
son rôle tout neuf de chef de famille.
    « Oui, pour vous. Ce n’est qu’un geste. Nous
espérons pouvoir en faire d’autres. Nous pensons devoir quelque chose à tous
ceux qui sont morts pour la cause. »
    Alors l’enfant comprit.
    « La cause ? Tu veux dire que… »
    Barabbas se tourna vers Ciborée, et lui fit
signe de les laisser. La facilité avec laquelle elle obéit déplut à Judas.
    « Que même la plus dure des répressions n’éteint
pas le feu sacré. »
    Une grande joie envahit le jeune garçon, et
Barabbas la perçut.
    « Nous continuons à nous battre, et à
vouloir rendre à Dieu la terre qui est la sienne ».
    Un silence suivit la déclaration.
    « Et tu… tu aurais encore besoin de moi ?
    — Est-ce que tu hais toujours les Romains ?
    — Si je les hais ? »
    Des larmes de rage étaient venues aux yeux du
garçon.
    « Je donnerais n’importe quoi pour
recommencer à les chasser. Je…
    — C’est bien, petit. La haine est bonne
conseillère. Nous sommes quelques-uns à ne pas avoir renoncé. L’échec de l’attaque
contre le dépôt d’armes de Sepphoris a été un coup très dur. Il nous a fait
réfléchir. Nous ne sommes pas encore mûrs pour des actions de ce type. C’est
comme l’affaire des aigles : c’était grandiose, symbolique, intrépide, mais
inutile. Cela n’a rien changé au rapport de force,

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