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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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Pourquoi Dieu doit
revenir. Pourquoi nous sommes là. Pourquoi il y a tant de souffrance. Pourquoi
le peuple juif ne peut-il trouver la paix ? Pourquoi avons-nous été
frappés après l’exil de Babylone, pourquoi avons-nous été frappés après la
délivrance de Cyrus ? Pourquoi les Eleucides, pourquoi les Maccabées ? »
    Ces noms ne voulaient pas dire grand-chose
pour Judas. Nathanaël lui raconta, déroula le rouleau pour lui montrer les
endroits où cela était inscrit.
    « Tu pourras m’apprendre ? demanda
Judas.
    — Bien sûr », répondit Nathanaël.
    Et le soir il prit sa première leçon.
    Ils devinrent vite
inséparables. Chacun des deux trouva en l’autre ce qui lui manquait le plus :
Nathanaël une oreille, et Judas une voix. Leurs enfances différentes les
réunirent autant que la communauté de leurs deuils : Nathanaël avait eu
deux oncles exécutés à la fin de la révolte du Gaulanite. Il avait passé sa
jeunesse à étudier les textes. Son père voulait en faire un lettré.
    « Tu veux dire que tu passais ta vie à
lire les rouleaux ? lui demanda Judas un soir.
    — Pas que les lire, les étudier.
    — Mais ça ne t’ennuyait pas ?
    — Au contraire : c’était passionnant.
    — Mais tu… tu jouais quand même, tu avais
des amis ? »
    Nathanaël éclata de rire.
    « Oui, bien sûr. Que faisait ton père, à
toi ?
    — Potier. Moi aussi. »
    Il dit cela avec fierté et commença le récit
de son apprentissage.
    « Eh bien, moi, c’est pareil. Je lisais
comme tu fabriquais tes pots.
    — Mais moi ça servait à quelque chose. »
    Nathanaël devint plus grave. Il s’était pris
de passion très jeune pour ce qu’on lui faisait faire. Sans que cette ardeur au
travail bridât sa vitalité, il s’était longuement penché sur la Torah. Son père,
simple scribe, rêvait que son fils devienne prêtre. Un de ses oncles l’était, bien
que pas très haut placé dans la hiérarchie : il appartenait à la classe d’Abia,
huitième des vingt-quatre classes, rang honorable, sans plus. Nathanaël lui
rendit visite à Jérusalem dans l’idée de suivre sa voie. Mais ce qu’il
découvrit des familles de grands prêtres, des liens avec le Temple, de l’injustice
de la dîme perçue le détourna de poursuivre et il revint auprès de son père. Même
si les rabbins n’hésitaient pas à exploiter les paysans, prêtant à usure, refusant
le pain au mendiant, bafouant les principes de vertu qu’ils demandaient aux
autres, il se sentait plus d’indulgence pour les errements de gens qui, au
moins, étaient au contact de ceux qu’il leur arrivait de tromper que pour la
malhonnêteté anonyme des prêtres. Il refusa donc de retourner à Jérusalem, tenant
tête à tous ceux qui voulaient voir dans son voyage un échec.
    Les textes l’attirèrent à nouveau. Plus il
avançait, plus il était convaincu que le monde approchait de sa fin, et que
Dieu ne pouvait laisser perdurer l’état de choses qui régnait autour de lui, sur
Sa terre. Les prédicateurs qu’il écoutait allaient presque tous dans le même
sens. Quand la révolte du Gaulanite éclata, il crut que le moment était venu et
l’attendit avec une fureur redoublée. Mais lorsque la répression démantela les
troupes rebelles, il sut qu’il s’était trompé, et qu’il lui fallait s’offrir à
la lutte. Et il partit retrouver les amis de ses oncles qui n’avaient pas
abandonné.
    L’entraînement commença quelques jours plus
tard pour une douzaine de garçons dont Judas et Nathanaël. Ils reçurent des
glaives et des couteaux. Sur des pantins de paille, Barabbas leur montra
comment, d’un coup, déchirer le ventre de leur adversaire.
    « Cela est à la fois efficace et très
douloureux. L’homme que vous avez atteint s’ouvre, perd ses tripes et souffre
énormément. »
    L’idée de cette souffrance volontairement
infligée, le côté répugnant de la blessure choquèrent Judas. Le soir, alors qu’ils
étaient occupés à la cuisine, il s’en ouvrit à Nathanaël.
    « Il le fait exprès. Il veut vous
impressionner. Tu n’es pas le seul à avoir ressenti un malaise. Aaron a failli
abandonner. Ne le montre surtout pas si tu veux continuer. Barabbas est un
provocateur. Il cherche à éliminer tous ceux qui peuvent faillir un jour. »
    Judas se le tint pour dit. Les jours suivants,
il ne montra plus aucun dégoût, même quand Barabbas se complut à leur dépeindre
leur action sous son jour le plus

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