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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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manges pas avec eux ?
    — Non. Je ne suis qu’un novice. Dans un
an, peut-être. »
    Il fallut attendre la fin du repas pour que
les adeptes s’égaillent dans la cour. Certains retournèrent aux ateliers. L’intendant
apporta à Judas et Ézéchias des olives et du pain, qu’ils purent arroser d’un
filet d’huile. Judas mangea goulûment, pendant qu’Ézéchias murmurait une prière.
Un des prêtres vint s’asseoir à ses côtés, un sourire extrêmement bienveillant
sur les lèvres. Il était âgé, au moins quarante ans, et une barbe longue
tombait sur sa tunique avec laquelle elle se confondait presque…
    « Tu ne connais donc pas Menahem, notre
grand maître, à ce que j’ai cru comprendre. »
    Judas ne chercha pas à dissimuler son
ignorance.
    « Non, excusez-moi. Qui était-il ?
    — Le messie.
    — Lui aussi ?
    — Non, pas lui aussi. Lui et lui seul. C’est
lui qui mènera la guerre contre le fils des ténèbres. »
    Cette certitude assenée avec vigueur irrita Judas.
    « Menahem était un être complexe. Il
était souvent invité à la cour du roi Hérode, mais cette cour le dégoûtait et, en
secret, il préparait le soulèvement.
    — Tout en allant tous les jours à la cour ?
    — Tous les jours, non, mais souvent. »
    Ce double jeu parut pénible à Judas, pour qui
tout pas vers l’ennemi était déjà une trahison.
    « Hérode n’était pas le pompeux imbécile
que l’on veut bien décrire. Il avait une vraie curiosité pour les idées, et
nous tenait en assez grande sympathie. Un jour, enfant, il avait croisé Menahem
dans la rue, et Menahem lui avait dit : “Je salue en toi le roi des Juifs.”
Le petit s’était rebiffé, rappelant qu’il n’était qu’un enfant. Et Menahem lui
avait dit : “Tu seras célèbre et tu auras un immense pouvoir, mais tu
oublieras la piété et la justice et Dieu se souviendra de cet oubli.” Hérode se
rappela ces paroles quand il devint roi, et il fit venir à lui Menahem. Il lui
demanda quelle serait la durée de son règne. Menahem refusa de donner une date,
mais accepta de lui dire qu’il s’étendrait sur plus de trente ans. Alors Hérode
se mit à considérer les esséniens avec faveur. Et il reçut à la cour Menahem, qui
devint un de ses conseillers et l’un de ceux de ses enfants. »
    L’opportunisme de cette ascension ne semblait
en rien admirable à Judas, pour qui en plus tout ce qu’il croyait savoir d’Hérode
contredisait cette vision de roi sage et attentif.
    « Puis Hérode mourut. Et Menahem put
révéler qu’il était le messie. Il voulut faire partager cette joie aux
pharisiens. Mais ils le rejetèrent, et il dut partir, excommunié. »
    L’homme grimaça à cette évocation.
    « Cela ne l’empêcha de participer à la
révolte contre Archélaüs. Il défendit le Temple contre les Romains, et les
Romains le tuèrent. Pendant trois jours, ils laissèrent son corps sur le sol, abandonné. »
    Judas était plus révolté qu’ému par le récit.
    « Mais comment pouvez-vous croire que le
messie a souffert, a été rejeté par les siens et a été tué ? Le messie est
triomphant, il est tout-puissant. Quel sens autrement aurait sa venue ? »
    L’homme ne l’écoutait plus et récitait, la
tête oscillant au rythme des versets.
    « “Qui a été méprisé comme moi ? Et
qui a été rejeté des hommes comme moi ? Et qui peut se comparer à moi dans
l’endurance du mal ? / Qui est comme moi parmi les anges ? Je suis le
bien-aimé du roi, un compagnon des saints.” Dans le livre de Daniel, Daniel
parle des quatre bêtes, tu t’en souviens ? »
    Judas grommela.
    « Il dit que “la quatrième bête faisait
la guerre aux saints et l’emportait sur eux”. Et Zacharie dit : “Ils
regarderont vers moi au sujet de celui qu’ils ont transpercé. Le corps du
Messie est resté transpercé dans la rue pendant trois jours au vu et au su de
tous.” Tout son destin est déjà dans Isaïe. »
    À nouveau, le saint homme récita.
    « “Objet de mépris, abandonné des hommes,
homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se
voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas.
    Or ce sont nos souffrances qu’il portait et
nos douleurs dont il était chargé.
    Et nous, nous le considérions comme puni, frappé
par Dieu et humilié.”
    « Plus loin, le prophète dit.
    « “C’est pourquoi il aura sa part parmi
les multitudes, et avec les puissants il

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