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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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indigne pour les
morts s’empara de Judas.
    « Il va falloir du temps pour tout
réorganiser : réunir les hommes, trouver de nouvelles cachettes, redonner
confiance à tout le monde…
    — Comment cela a-t-il pu arriver ?
    — Nous avons manqué de contacts. J’ai
toujours refusé de pactiser avec les autorités : les Romains bien sûr, mais
aussi les pharisiens, les sadducéens, le Sanhédrin… Mais si nous avions été
prévenus, si nous avions su qu’Isaïe avait été capturé, nous aurions pu… »
    Il serra les mains en un signe de rage
impuissante.
    « Et tout cela aurait été évité. Nous
devons tout recommencer. Mais nous ne pouvons pas repartir totalement à l’inconnu.
Il nous faudra des appuis dans la haute société de Jérusalem. »
    Judas écoutait sans rien dire, trop atterré
pour répondre.
    « Cet appui, c’est toi qui vas nous le
fournir.
    — Moi ? Mais comment ? Je n’ai
absolument rien à voir avec tous ces gens-là.
    — Plus que tu ne le crois. Depuis un an, tu
les fréquentes, tu les observes, tu les sers. Y a-t-il meilleur moyen de
connaître quelqu’un ?
    — Je ne saurais pas me conduire comme eux,
et je n’ai pour eux que du mépris.
    — Tu sauras très bien te comporter, j’en
suis certain, et rien ne t’interdit de cacher tes sentiments personnels. Tu as
entendu parler de Menahem, le maître des esséniens. Il allait chez Hérode, et
cela ne l’a pas empêché de se révolter, de lui porter des coups.
    — Le messie qui souffre et qui ressuscite
après avoir pourri trois jours dans la rue. Joli coup, en effet !
    — Ne parle pas comme cela !
    — Tu as de la sympathie pour les
esséniens, toi ?
    — De la sympathie, non : la plupart
ne voient guère plus loin que leur bassin de purification. Mais il en est
beaucoup que je respecte. Et l’exemple de Menahem montre qu’on peut se
rapprocher de l’ennemi sans pour autant cesser de le combattre.
    — Admettons. Qu’est-ce que tu veux que je
fasse ? Que je me rende au Sanhédrin pour dire du mal des Romains, ou que
je prenne au hasard un client de Samuel et lui propose d’aller chez lui pour
surveiller ses confrères ?
    — Tu ne crois pas si bien dire. Nous
avons des amis au Sanhédrin…
    — Première nouvelle. Et qui ?
    — Un nommé Nicodème en particulier…
    — Nicodème est avec nous ?
    — Depuis déjà longtemps.
    — Je n’en savais rien.
    — Nous sommes très peu à le savoir. Que
vaudraient ces alliances si elles étaient connues de tous ?
    — Comment cela s’est-il fait ?
    — La corruption des grands prêtres en a
écœuré d’autres que nous. Nicodème a pris contact par un de ses domestiques. Il
a été très clair à la fois sur sa volonté de nous aider et sur les limites de
cette aide. Aujourd’hui, et c’est ce qui compte, il est prêt à permettre à
quelques-uns des jeunes qui sont dans nos rangs de s’introduire dans les
milieux riches de Jérusalem.
    — Mais combien de temps cela va-t-il
durer ?
    — Le temps que de notre côté nous
réorganisions nos troupes. »
    Judas était stupéfait par ce qui lui était
soudain proposé.
    « D’abord tu m’envoies un an ici chez
Samuel, ensuite tu veux que j’aille moisir chez les riches ? C’est ça la révolution ?
    — La première fois, c’était pour te
sauver, toi. Aujourd’hui, c’est pour nous sauver, nous. Cela ne durera
peut-être pas.
    — Même si ça ne dure pas, qui te dit que
j’ai envie de continuer ces absurdités ?
    — Judas, Judas… Pourquoi n’as-tu gardé de
ton père que son impétuosité ? Nous ne vaincrons pas les Romains
uniquement en en tuant quelques-uns. Il faut passer à autre chose. C’est toi
que j’ai choisi pour cela. M’en voudras-tu de ma confiance ?
    — Et pour qui me feras-tu passer, cette
fois ?
    — Il faut que tu polices tes manières. Et
ton accent te trahirait tout de suite. Tu ne peux jouer que le rôle d’un
étranger. Nicodème a des amis qui viennent d’Abilène, au-delà de l’Hermon, et
qui se sont installés à Jérusalem il y a un an à peu près. Par lui, ils
commencent à être introduits chez les sadducéens et dans les milieux sacerdotaux.
Le père est marchand. Si tu te présentes comme venant toi aussi de là-bas…
    — Mais je ne suis jamais allé de l’autre
côté de l’Hermon…
    — Ils t’en parleront.
    — Admettons. Et après, à quoi pourrais-je
bien te servir ? Même si je deviens un membre

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