Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
Vom Netzwerk:
droit une cicatrice due au décrochement d’une lampe
pleine d’huile. Sa femme, qui s’appelait Posthuma comme toute fille née après
la mort de son père, ressemblait à une de ces matrones insignifiantes que
Lavinia fréquentait beaucoup. Sa fille Bethsabée était jolie sans être belle, avait
des yeux d’un bleu très pâle, une chevelure d’un blond presque diaphane. Ce
physique inhabituel lui donnait un air de grande fragilité, qu’accentuait
encore une peau très blanche.
    Judas s’assit avec eux. Elle ne dit rien de la
soirée, se contentant de le regarder de temps en temps de biais, timidement. Il
ne sut que penser de ce regard. Est-ce à cause de cette incertitude qu’il eut
envie de la revoir ?
    Il en eut bientôt l’occasion.
Amos voulut à son tour les convier chez lui. Jephté tenta de dissuader le jeune
homme de l’accompagner.
    « Et pourquoi ? Ne suis-je plus
digne de confiance ? rit-il.
    — Je ne crois pas que cela te plaise, c’est
tout. Viens si tu veux, mais ne te plains pas après si tu n’es pas content. »
    Le soir, Judas enfila une tunique de lin
bordée de franges et se rendit avec son cousin adoptif chez le grand prêtre.
    D’emblée, effectivement, il se sentit mal à l’aise
et comprit que la débauche décorative qui l’irritait chez Jephté était déjà le
fruit d’une certaine sensibilité. Tout ce qui chez lui n’était que luxe
devenait chez Amos effroyable ostentation, pure exhibition d’une richesse et d’un
mauvais goût immédiatement perceptibles. Dorures, vastes tentures d’un rouge
vif parcouru de fils d’or, tissus chatoyants écrasaient les pièces. Des
colonnes montaient jusqu’au plafond, d’où pendaient des lustres dorés garnis de
bougies. Partout, des bibelots, des vases, des statues grecques étaient
disposés, sans autre souci que celui de leur accumulation. Au centre de l’atrium,
trois déesses dénudées crachaient de l’eau.
    Quand quatre Romains entrèrent dans la pièce, la
douzaine d’invités se tourna vers eux comme des tournesols vers la lumière. Jaugeant
d’un œil rigolard les femmes présentes, ils se dirigèrent vers Amos. Judas
chercha le regard de Jephté. Le marchand semblait très gêné, paraissant à la
fois lui rappeler qu’il l’avait prévenu et bredouiller des excuses.
    Amos se leva pour accueillir ses hôtes, immédiatement
familier. Judas apprit plus tard qu’il s’agissait des principaux adjoints du
procurateur, parmi lesquels le collecteur d’impôts pour Rome. Il s’étonna de
pouvoir être dans la même pièce qu’eux sans rien dire et réalisa qu’il était
parvenu, presque malgré lui, à faire ce que souhaitait Barabbas. Et cette
victoire, aujourd’hui, paraissait parfaitement inutile.
    « Alors, quelles nouvelles de Delphes ? »
demanda l’un des Romains.
    C’était le scandale du moment : il s’était
avéré que les oracles de la célèbre pythie lui étaient dictés par le général
Trimalchios, qui s’en servait pour faire passer ses ambitions politiques.
    Bethsabée entra à ce moment-là, vêtue d’une
robe blanche tellement simple qu’elle paraissait insulter le luxe environnant. Elle
passa entre les groupes, suivant sa mère en répondant d’une voix basse aux
compliments.
    Quand elle se rapprocha de Judas, la femme d’Amos
évoqua l’anniversaire prochain de sa fille. Jephté se rengorgea comme si
atteindre l’âge de seize ans était particulièrement méritoire. Bethsabée
répondit par une remarque aussi banale que bien élevée. Quand Judas tenta une
galanterie sur l’élégance simple de sa mise, elle le regarda comme si elle ne
le voyait pas.
    Les relations entre
les deux familles se resserrèrent. Judas n’avait pourtant pas manqué de faire à
Jephté la scène que celui-ci craignait, lui reprochant à nouveau ses liens avec
les Romains. Il l’avait traité d’oppresseur, de collaborateur, avait provoqué
les larmes de Lavinia qu’il avait ensuite consolée, se sentant à nouveau très
mal à l’aise.
    Aussi était-il sur des charbons ardents quand
Amos et les siens revinrent deux jours plus tard chez Jephté. Avec impudence, le
prêtre fit valoir ses puissantes amitiés et la facilité avec laquelle il avait
obtenu que soient dédaignées les offres d’encens d’une famille nabatéenne, qui
le proposait pourtant à bien meilleur prix que ses parents. Il passa en revue
les procurateurs, comparant la facilité avec laquelle les grands prêtres les

Weitere Kostenlose Bücher