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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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serein et peu
démonstratif qui avait pour une fois fait fi de ses ambitions sociales, avait
bouleversé l’image qu’il avait du commerçant. Un soir, il le lui dit. Jephté
rosit de plaisir, et lui répondit avec une volubilité embarrassée.
    « Tu as pu croire que nous approuvions
absolument tout ce que faisaient les Romains. Il n’en est rien. Que les membres
du Sanhédrin soient tous nommés par Hérode ne me réjouit pas, et les
compromissions des sadducéens me dégoûtent. Mais j’ai une famille à charge, et
c’est d’abord envers elle que je me sens des responsabilités. Je ne renie pas
ce que je fais. Je sais que tu t’es battu de manière beaucoup plus directe. C’est
respectable, mais je ne le fais pas et ne le ferai pas. Que ce soit par manque
de courage ou par lucidité, je ne suis pas un révolutionnaire, juste un
marchand étranger qui tente de se faire une place dans une ville complexe. Toute
ma vie, je me suis accommodé de ce que j’avais autour de moi, des gens que j’aime,
de ceux que j’accueille, de la situation qui m’entoure. Je n’aurais pas choisi
de vivre sous le joug de Rome, mais si on me l’impose, je fais avec. Juge cela
comme tu le veux, c’est ton droit, même si je me suis suffisamment, comment
dire, habitué à toi pour préférer que tu comprennes ces options. »
    Judas ne répondit pas. Jephté ne lui en parla
jamais plus.
    Influencé par ce qu’il
devinait maintenant chez Jephté, il se rapprocha de Lavinia, dont il découvrit
à son tour la profonde bonté. Jephté l’introduisit plus avant dans ses affaires.
Il rencontra plusieurs membres importants du Sanhédrin : un certain Joseph
d’Arimathie et le vieux juge Gamaliel qui, esprit éminent de l’école du rabbin
Hillel, le charma par son humour et sa curiosité. Commentateur avisé des Écritures,
très ouvert aux autres sciences, il établissait entre les unes et les autres
des correspondances qui fascinaient Judas, même s’il ne comprenait pas tout.
    « Connais-tu cette histoire, dit-il un
jour que les questions du jeune homme devenaient trop nombreuses. Un homme va
trouver le rabbin Shammaï. “Rabbin, lui dit-il, je me convertirai si tu peux m’apprendre
la Torah pendant que je me tiens en équilibre sur un pied.” Shammaï le chasse. Alors
il va chez Hillel, et lui demande la même chose. Hillel lui répond : “Ce
que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à ton voisin. Voici la Torah.
Le reste n’est que commentaire. Pars et apprends.” »
    *
    *   *
    Quand il rencontra
Bethsabée, il était installé depuis près d’un an dans cette existence, et
venait d’avoir vingt-cinq ans. Le commerçant travaillait de plus en plus avec
le Temple, dont les besoins décoratifs étaient aussi illimités que les
ressources. Judas découvrit à quel point la classe sacerdotale juive marchait
économiquement main dans la main avec les Romains, et combien presque tout
Jérusalem dépendait du Temple. Il pénétra beaucoup des trafics qui y régnaient :
les purifications par taxes des fruits et légumes, des laitages, du bois avant
qu’ils n’entrent dans l’enceinte sacrée, l’interdiction des peaux et cuirs
venus d’ailleurs (très souvent de la Samarie détestée), au grand bonheur des
tanneurs installés dans la partie basse de Jérusalem, l’obligation faite à tout
Juif pieux de dépenser dans le Temple et ses alentours un dixième de son revenu…
De cette masse d’argent, la plus grande partie finissait dans la poche des
vingt mille prêtres et de leurs maîtres sadducéens. Deux des grands prêtres en
particulier faisaient main basse sur les transactions d’encens, qui étaient
tenues absolument secrètes, mais dont Judas apprit qu’il était fourni par leurs
familles. L’un d’entre eux s’appelait Amos.
    Il le vit pour la
première fois chez Jephté, où il avait été invité à dîner avec sa famille. Judas
avait passé l’après-midi aux bains, continuant de se perdre avec Archépios en
joutes oratoires. Il rentrait fatigué, n’ayant aucune envie, après la vivacité
de ces échanges, de se perdre dans la banalité des propos sans éclat de Lavinia,
d’autant que la maîtresse de maison était obnubilée par un seul problème :
il n’y avait pas assez d’eau à Jérusalem, la ville étant trop grande pour les
besoins de ses habitants, et elle ne s’était pas occupée d’en stocker.
    Amos était grand et sec ; son visage
émacié portait sur le côté

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