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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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l’on sache bien s’il était soûl ou mort.
    Immédiatement, attablé devant un pichet de vin,
Judas reconnut Barabbas et vit tout de suite combien il avait vieilli. Quel âge
avait-il maintenant ? Cinquante ans, peut-être plus. Les rides creusaient
son visage, des cernes presque bleus entouraient ses yeux, un réseau de veines
rouges courait autour de son nez. Il était mal rasé et des petites touffes de
poils grisonnants marquaient ses joues.
    « Bonjour, Judas. »
    La voix en revanche était toujours la même :
dure, forte, avec un ton de commandement presque impérieux. Judas sentit une
bouffée d’émotion l’envahir.
    « Cela fait longtemps.
    — Trop longtemps. »
    Avaient-ils besoin de se dire autre chose ?
    « Tu as l’air d’avoir bien profité. Plus
que moi, soupira l’ancien chef.
    — C’est toi qui l’as voulu. Que
voulais-tu que je fasse ? Je n’ai pas eu de tes nouvelles depuis sept ans.
    — Aujourd’hui, tu en as.
    — Es-tu sûr que j’en attendais encore ? »
    D’emblée, ils s’affrontaient. Barabbas leva
les yeux et Judas put voir que la flamme qui les animait ne s’était pas éteinte.
    « Dans le cas contraire, beaucoup de ce
que j’ai fait perdrait de son sens.
    — Ne fais pas de sentiment, Barabbas. Tu
n’as plus devant toi le gamin que tu terrorisais en séduisant sa mère. »
    Judas n’avait encore jamais osé parler ainsi à
Barabbas et il sentit un tremblement absurde s’emparer de ses mains.
    « Je ne t’ai jamais considéré comme un
enfant à qui je faisais peur, Judas, et j’ai… j’ai beaucoup aimé ta mère. »
    Judas ne releva pas le mensonge. En était-ce
un d’ailleurs ? Il n’avait pas envie de répondre à la question et la
repoussa.
    « Ce n’est pas pour me parler de notre
vie familiale que tu m’as fait venir ?
    — Non. Je voulais savoir si tu t’en étais
bien sorti.
    — Comment te répondre ? J’ai
commencé à vivre chez Jephté, comme tu me l’as demandé. Je suis devenu un
proche des milieux du Temple, j’ai même fréquenté certains Romains. Quand je n’ai
plus eu de nouvelles de vous, j’ai continué à vivre. J’ai rencontré une femme. Je
l’ai épousée. Nous avons deux enfants et je suis heureux.
    — Heureux alors que ton pays est encore
sous le joug ? Tu as entendu ce que cet immonde Romain a fait à notre
trésor ? »
    Malgré le reproche dont elle était chargée, la
sincérité de la colère de Barabbas le rapprocha plus de Judas que tout ce qu’il
avait dit auparavant.
    « Heureux autant que peut l’être quelqu’un
qui se retrouve seul. Que voulais-tu que je fasse ? Je suis rentré où tu
as voulu, je t’ai communiqué les renseignements que tu m’as demandés quand tu m’en
a demandé. Je n’allais pas tout seul me lancer dans des actions absurdes. Tout
ce que j’ai appris sur vous ne m’a guère laissé d’espoir. Attendais-tu que je m’introduise
chez Pilate et que je le tue de ma propre initiative ?
    — J’espérais que tu resterais des nôtres.
    — Mais je suis des vôtres ! Penses-tu
que j’ai renoncé ?
    — Es-tu prêt à repartir avec nous ?
    — Repartir… ? Pour quoi faire ?
    — Ce que je te demanderai.
    — Au prix de combien d’erreurs ?
    — Mieux vaut se tromper que ne rien faire !
    — Et que comptes-tu me demander ? De
recommencer à tuer pour toi ?
    — Pourquoi pas ? »
    Judas ferma le yeux. Quand il les rouvrit, il
parla vite, en osant regarder son vieux chef.
    « J’ai changé. Je ne t’obéirai plus comme
je l’ai fait. J’ai une femme, des enfants. Les protéger est un autre de mes
devoirs. Je hais toujours autant les Romains, mais je ne mettrai pas ma famille
en danger pour toi…
    — Ce qui veut dire en clair que tu m’abandonnes.
Ton horizon s’est borné aux quatre murs de ta maison ?
    — Ce n’est pas ce que j’ai dit. Mais j’ai
une vie en dehors de toi. Je compte la vivre, et je ne piétinerai pas ce que j’aime
le plus au monde pour toi.
    — Parce que tu es satisfait ? »
    Judas répondit sans réfléchir.
    « Oui. Je crois.
    — Alors tu es mort. Ne comprends-tu pas
que la satisfaction est la fin de tout ? Satisfait, tu ne penses qu’à
digérer. Tu me fais songer à ces prisonniers qui finissent par croire que leur
geôle est le seul monde possible. Où est ta vigueur, où sont tes idéaux, où est
ton ardeur ? Tes rêves ne sont plus que des mots.
    — Serais-je plus heureux si

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