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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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baissa la voix. Il luttait contre le
frisson qui le reprenait.
    « Je crois que je peux t’arranger cela. »
    Il avait le sentiment de jouer de nouveau à
son jeu préféré. Barabbas, le sourire ravi, commanda de la main un nouveau
flacon de vin, que l’hôtesse vint lui apporter en ronchonnant.
    « Dis-moi, Judas…
    — Oui ?
    — Tu es sûr que tu ne veux pas être des
nôtres ? Je veux dire pour…
    — Non, Barabbas, je te l’ai dit. T’aider,
je le veux bien. Reprendre le poignard, non. C’est définitif.
    — Je n’insiste pas. Mais je compte sur
toi. Tu verras, Jérusalem saura que l’on ne pactise pas impunément avec l’envahisseur.
Et ce ne sera qu’un début. »
    Il éclata d’un gros rire, qui fit se retourner
deux prostituées attablées à côté. Le voyant ainsi gai, elles se levèrent et, un
sourire plaqué sur le visage, se dirigèrent vers lui.
    Judas se sentit les
deux jours suivants dans un état curieux. C’était la première fois depuis
longtemps qu’il participait à une action, et surtout la première qu’il n’y
jouait qu’un rôle mineur. Il en éprouvait à la fois une frustration et un soulagement.
Il parla beaucoup autour de lui, obtint plus de consentements qu’il ne l’espérait :
même Archépios, qui affectait pourtant la plus grande distance vis-à-vis de
toute cette agitation, lui promit d’être présent. Seuls quelques pères de
famille, inquiets pour les leurs, et deux ou trois sadducéens trop proches des
Romains refusèrent de l’écouter plus avant. Le risque d’être dénoncé lui parut
pourtant insignifiant : l’effervescence était telle dans la ville ces
jours-ci que tout le monde complotait, prenait parti, s’engageait bien plus qu’il
ne l’eût fait en temps normal. Il évita cependant d’en parler à Jephté et à sa
famille, comme s’il voulait les protéger. Sa discrétion permit-elle la
catastrophe ou en évita-t-elle une plus grande ? Il ne put jamais le
déterminer, même au plus fort de son désespoir.
    La veille du jour où
Pilate devait aller à son tribunal, il travailla au magasin. La journée était
décevante : une grande quantité de tissus, avec laquelle Jephté espérait
faire de gros bénéfices, avait eu beaucoup moins de succès qu’il ne l’escomptait,
et le marchand se retrouvait avec beaucoup d’invendus sur les bras.
    « Il va falloir baisser nos prix jusqu’à
ne plus rien gagner. Comment ai-je pu me tromper à ce point ? Cela ne m’était
pas arrivé depuis longtemps.
    — Tu ne peux pas gagner à tous les coups.
Et cela ne devrait quand même pas mettre ta famille à la rue.
    — Non, bien sûr. Mais ce n’est pas qu’une
question d’argent, c’est aussi celle de perdre ou de gagner. Tu ne peux pas
comprendre cette joie-là. Dans le fond, tu n’as jamais vraiment eu le commerce
dans le sang. C’est une passion qui ronge. Je sais que ce n’est pas très grave.
Mais mon dépit est fort. C’est idiot, non ? »
    Et Jephté partit d’un bon gros rire qui fit
tressauter ses bajoues, de plus en plus rondes d’année en année.
    « J’espère que nous pourrons nous
rattraper après les événements. Tu sais que demain Pilate vient au tribunal. On
dit beaucoup qu’il aura à affronter toute une foule. Il aurait été menacé. Mais
il va s’en sortir. Il y a eu des fuites. Des tas d’hommes à lui seront
disséminés dans la foule. Des hommes armés. Il vaut mieux que tu évites le coin,
si tu avais l’intention d’y aller… »
    Les mains de Judas s’étaient crispées sur le
tissu qu’il rangeait.
    « Des Romains dans la foule, tu dis ? »
    Il espéra que l’émotion dans sa voix ne s’était
pas entendue.
    « Marcus Nero, le centurion de l’Antonia,
l’a dit en latin à son adjoint. Comme tous ces imbéciles supposaient que j’étais
trop bête pour comprendre, ils en ont parlé sans gêne. »
    Les pensées se heurtaient dans la tête de
Judas. Si c’était vrai, les gens qu’il avait prévenus et les hommes de Barabbas
couraient de grands risques. Il fallait à tout prix empêcher la manifestation.
    « Je vais y aller, Jephté.
    — Déjà ?
    — J’avais promis à Bethsabée de rentrer
tôt. Nous nous sommes peu vus depuis plusieurs jours, et elle veut faire une
surprise aux enfants. Josué invite des amis à la maison pour une petite fête. Je
dois y être.
    — Une fête pour des enfants ? C’est
idiot. Mais vas-y si tu veux. Et à demain. »
    Judas

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