Le Bal Des Maudits - T 1
secoua la tête pour essayer de comprendre.
– Oui , il n’a pas fermé l’œil de la nuit. Depuis que le convoi s’est arrêté là hier soir, il est resté allongé, les jumelles aux yeux, à les observer en souriant.
Himmler jeta un coup d’œil meurtrier dans la direction du lieutenant.
– Pour rien au monde il n’aurait voulu les attaquer hier soir. Oh non ! Trop facile. On aurait pu en laisser échapper un ou deux. Il a fallu qu’il nous fasse attendre plus de dix heures que le jour se lève, pour ne pas en manquer un seul. Ça fera tellement mieux, dans son rapport.
Himmler cracha dans le sable agité.
– Il va nous faire tous descendre, vous verrez ce que je vous dis.
– Combien de Tommies y a-t-il ? demanda Christian.
Il laissa tomber sa couverture, frissonna et ramassa sa mitraillette, soigneusement enveloppée dans un morceau de toile.
Quatre-vingts, chuchota Himmler.
Il regarda autour de lui, amèrement.
– Et nous sommes treize. Treize ! il n’y a qu’un salaud pareil pour emmener treize hommes en patrouille. Pas douze, ni quatorze, non… Treize !
– Sont-ils réveillés ? coupa Christian.
– Et comment, soupira Himmler. Et des sentinelles partout. C’est un miracle qu’ils ne nous aient pas encore repérés.
– Qu’est-ce qu’il attend ?
Christian regarda le lieutenant, immobile et ramassé sur lui-même, juste sous la crête.
– Demandez-le lui, dit Himmler. Sans doute que Rommel vienne assister en personne à l’opération et le décore après le petit déjeuner.
Le lieutenant s’éloigna un peu du sommet des roches et fit un geste impatient à l’adresse de Christian. Christian rampa lentement vers lui, Himmler dans son sillage.
– Il a fallu qu’il règle le mortier lui-même, grommela Himmler. Pas confiance en moi. Je ne suis pas assez scientifique, pour lui. Il n’a pas cessé de rôder et de faire joujou toute la nuit avec le guidon de hausse. Si on pouvait le faire examiner par un psychiatre, je vous parie qu’il le collerait immédiatement dans une camisole de force.
– Allons, venez ! chuchota sèchement Hardenburg.
Lorsque Christian parvint à sa hauteur, il vit qu e les yeux du lieutenant brillaient de joie. Il n’était pas rasé, et son calot était plein de sable, mais il paraissait aussi frais que s’il avait dormi toute la nuit.
– Tout le monde en position, dans une minute, dit Hardenburg. Que personne ne bouge jusqu’à ce que je le leur dise. Le mortier tirera d’abord, à cadence rapide, lorsque je ferai un signe de la main.
Christian, à quatre pattes, acquiesça.
– Au signal, les deux mitrailleuses devront être transportées sur la crête et ouvrir immédiatement le feu. Tous les fusils devront également tirer jusqu’à ce que je donne l’ordre de cesser le feu. Est-ce bien compris ?
– Oui, mon lieutenant, chuchota Christian.
– Si je désire que l’angle de tir du mortier soit rectifié, je le dirai moi-même. Que les servants m’observent constamment. Est-ce bien compris ?
– Oui, mon lieutenant, dit Christian. Quand allons-nous entrer en action ?
– Quand je serai prêt, dit Hardenburg. Veillez à ce que tout soit en ordre et revenez me voir.
– Oui, mon lieutenant.
Christian et Himmler repartirent en rampant vers le mortier, les obus empilés, les servants allongés dans le sable.
– Si seulement ce salaud-là pouvait recevoir une balle dans le c…, aujourd’hui, chuchota Himmler, je crois que je mourrais heureux.
– Taisez-vous ! dit Christian.
La nervosité de Himmler était communicative.
Faites votre boulot et laissez le lieutenant s’occuper du sien.
– Personne n’a besoin de s’occuper de moi, dit Himmler. Personne n’a le droit de dire que je ne fait pas mon boulot.
Personne ne l’a dit.
– Mais vous alliez le dire, insista Himmler, heureux de pouvoir se chamailler un instant avec ce vieil ennemi intime, heu reux de pouvoir penser un instant à autre chose qu’aux quatre-vingts Anglais arrêtés dans les sables, à trois cents mètres de là.
– Bouclez-la, dit Christian.
Il regarda les servants du mortier. Ils tremblaient de froid. Schœner, le nouveau, bâillait sans arrêt, les lèvres tressautantes, mais tout le monde semblait prêt. Christian leur répéta les instructions du lieutenant et continua à ramper vers les servants d’une des deux mitrailleuses.
Ils étaient prêts. L’attente nocturne, avec
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