Le Bal Des Maudits - T 1
peur de ne pas pouvoir la jouer.
Cahoon cessa de sourire et Sleeper dit :
– Oh, nom de Dieu !
– Pourquoi cela ? demanda Cahoon.
Hoyt arbora un sourire contrit.
– Pour le moment… Avec la guerre et tout. Obligé de changer mes plans, mon vieux. Pour être franc, si j’accepte de jouer dans une pièce, j’ai bien peur que le conseil de réforme ne me mette la main dessus. Ici, c’est différent. Des studios disent qu’ils me feront affecter sur place. Washington a déclaré que l’industrie cinématographique entrait dans le cadre de l’intérêt national. Personnel nécessaire, vous savez… La scène, c’est autre chose. Je n’en sais rien. Et je préfère ne pas courir de risques. Vous comprenez ma position.
– Oh combien ! dit Cahoon.
Sleeper se leva.
– Faut que je retourne à Burbank, dit-il. Dans l’intérêt national.
Il sortit d’un pas lourd et légèrement mal assuré.
Hoyt le regarda partir, un peu nerveusement.
– Jamais aimé ce type-là, dit-il. Pas un gentleman.
Il mâcha pensivement sa dernière bouchée d e salade.
Rollie Vaughn apparut à leur table, le visage rayonnant et congestionné, un verre de cognac à la main. Il était Anglais, lui aussi, plus vieux que Hoyt, et jouait dans le même film que celui-ci le rôle d’un commandant d’aviation. Il ne tournait pas aujourd’hui et pouvait boire en toute tranquillité.
– Le plus grand jour dans l’histoire de l’Angleterre, dit-il. Finies, les défaites ! À nous les victoires. Je bois à Franklin Delano Roosevelt !
Il leva son verre et, par politesse, les autres l’imitèrent. Michael avait peur que Rollie ne jette ensuite son verre dans la cheminée, à présent qu’il était dans la R. A. F., chez Paramount.
– À l’Amérique ! dit Rollie, levant une seconde fois son verre.
« En réalité, songea cyniquement Michael, c’est à la flotte japonaise qu’il boit, pour nous avoir enfin fourrés dans la bagarre. Mais comment blâmer un Anglais… »
– Nous les combattrons sur les plages, proclama Rollie, nous les combattrons dans les collines. (Il s’assit.) Nous les combattrons dans les rues… Plus de Crète, plus de Norvège… Plus d’expulsions de nulle part…
– À votre place, je ne parlerais pas comme ça, vieux frère, dit Hoyt. J’ai eu un entretien, il n’y a pas longtemps, avec une grosse légume de l’Amirauté. Si je vous disais son nom, nous ne me croiriez pas. Il m’a expliqué toute l’histoire de la Crète.
– Et qu’a-t-il dit au sujet de la Crète ?
Rollie regardait Hoyt, d’un air légèrement belliqueux.
– Tout s’est déroulé selon le plan prévu, vieux frère, dit Hoyt. Infliger de lourdes pertes à l’ennemi et se retirer Quoi de plus naturel ? Et qu’ils gardent la Crète. Personne n’a besoin de la Crète.
Majestueusement, Rollie se leva.
Je n’ai pas l’intention, dit-il d’une voix rauque, une lueur insolite au fond des prunelles, de rester ici à écouter un Anglais renégat insulter les Forces urinées britanniques.
Allons, allons ! murmura Cahoon. Asseyez-vous.
– Qu’est-ce que j’ai dit, vieux frère ? demanda Hoyt nerveusement.
Du sang britannique répandu jusqu’à la dernière goutte…
Le poing de Rollie s’abattit sur la table.
– Une résistance désespérée pour sauver une terre alliée. Des Anglais mourant par milliers…, et il dit que tout était combiné d’avance !
– Qu’ils gardent la Crète !
– Ah oui ? Il y a un certain temps que je vous observe, Hoyt, et j’ai essayé de vous juger impartialement dans mon esprit, mais j’ai bien peur d’être obligé de croire, finalement, tout ce que les gens racontent de vous.
– Allons, vieux frère…
Hoyt était très rouge, sa voix aiguë et chevrotante.
– Je crois que vous êtes victime d’un terrible malentendu.
– Si vous étiez en Angleterre, aboya Rollie, vous chanteriez un autre refrain. Vous seriez assis au banc des accusés avant d’avoir eu le temps de prononcer une douzaine de mots ! Propagateur de nouvelles diffamatoires et subversives. Un acte criminel, en temps de guerre !
– Vraiment, bégaya Hoyt, Rollie… Mon vieux…
– J’ignore qui vous paie !
Le menton de Rollie s’arrêta à quelques centimètres du visage de Hoyt.
– Mais j’aimerais le savoir. Et ne croyez pas que cette histoire va en rester là. Tous les Anglais de la ville la connaîtront avant peu,
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