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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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réquisitionnée par ordre du général Aigner. Signé : lieutenant Siegfried Hardenburg.
    Le major lui arracha le papier et le relut soigneusement. Puis il l’agita sous les yeux du lieutenant.
    Je présenterai ce document à qui de droit, en temps utile, dit-il d’une voix forte.
    –  Bien entendu, acquiesça Hardenburg.
    Il monta à l’arrière de la voiture.
    –  Sergent, dit-il en s’asseyant, ven ez vous asseoir à côté de moi.
    Christian obéit. Le siège était recouvert de cuir fauve artistement cousu, et l’intérieur de la voiture sentait le vin et l’eau de toilette. Impassible, Christian contempla la nuque recuite du conducteur. Hardenburg se pencha devant Christian et claqua la portière.
    –  Avanti, dit-il paisiblement au chauffeur.
    Les épaules du chauffeur s’équarrirent, et Christian vit rougir sa nuque. Puis, avec une délicatesse infinie, le conducteur embraya. Hardenburg salua. Un par un, les trois officiers lui rendirent son salut. Le soldat qui avait occupé sa place voisine de celle du chauffeur paraissait trop assommé pour avoir la force de lever le bras.
    La voiture s’éloigna lentement, vaporisant autour des quatre silhouettes figées un mince nuage de poussière. Involontairement, Christian ébaucha le geste de tourner la tête, mais la main de Hardenburg se referma brutalement sur son avant-bras.
    –  Ne regardez pas, ordonna-t-il.
    Christian essaya de se détendre. Il attendait toujours le bruit d’une ou plusieurs détonations, mais elles ne venaient pas. Il regarda Hardenburg. Un petit sourire glacial errait sur les lèvres du lieutenant. « Il est heureux, constata Christian, surpris. Avec toutes ses blessures et sa compagnie anéantie et tout ce qui peut lui arriver encore, il jouit de ce moment ; il le savoure en gourmet. » Christian n’avait pas envie de sourire, mais il se renversa sur les coussins moelleux, sentant ses os disjoints se réassujettir dans sa chair en repos.
    –  Que serait-il arrivé, demanda-t-il au bout d’un moment, s’ils avaient décidé de conserver leur voiture ?
    Une seconde, le visage de Hardenburg s’épanouit en un sourire de jouissance sensuelle.
    –  Ils m’auraient tué, dit-il. C’est tout.
    Christian approuva gravement.
    –  Et l’eau, dit-il. Pourquoi leur avoir laissé l’eau ?
    –  Oh ! cela aurait été un peu trop demander, dit Hardenburg.
    Il s’esclaffa et s’enfonça dans le cuir luxueux.
    –  Que va-t-il advenir d’eux ? demanda Christian .
    Hardenburg haussa les épaules avec insouciance.
    –  Ils se rendront et iront dans une prison britannique. Les Italiens aiment aller en prison. Et maintenant, dit-il, taisez-vous. Je veux dormir.
    Un instant plus tard, il dormait, le visage sanglant et sale, mais calme comme celui d’un enfant. Christian lutta contre le sommeil. Il fallait bien que quelqu’un restât éveillé, pour surveiller le désert et le chauffeur italien, qui conduisait à bonne allure, sur la route étroite tracée par les hommes au cœur du désert.
    Marsa Matruh n’était plus qu’un amas chaotique de camions et d’hommes chancelants et de matériel démoli, parmi les ruines de la ville. Ils tentèrent d’y découvrir une autorité supérieure quelconque, mais n’y parvinrent pas. Pendant qu’ils s’y trouvaient, une escadrille d’avions saupoudra de bombes ce qui restait de la ville, bouleversant les ruines et retournant un convoi sanitaire, avec les blessés qui hurlaient comme des bêtes dans les débris des véhicules. Tout le monde semblait pressé de continuer vers l’ouest. Hardenburg ordonna au conducteur de s’incorporer au long et lent flot de véhicules, et bientôt ils parvinrent à la limite de la ville. Il y avait là un poste de contrôle, représenté par un capitaine aux yeux creux qui relevait, sur une longue feuille de papier montée sur une planche carrée, les noms et les unités des hommes qui défilaient lentement devant lui. Il avait l’air d’un comptable fou tentant d’établir la balance des comptes, impossibles à reconstituer, d’une banque surprise par un tremblement de terre. Il ne savait pas où était le quartier général de leur division, ni même s’il existait encore, et répétait à chaque instant, d’une voix morte, à travers l’amas de crasse qui entourait sa bouche :
    –  Continuez. Continuez. C’est ridicule. Continuez . Lorsqu’il vit le chauffeur italien, il dit :
    –  Laissez-le ici avec moi. Nous

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