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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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robinet.
    –  Je la connais. Et je réponds d’elle. Elle vous aimera beaucoup. Écoutez-moi, maintenant. Promettez-moi que vous resterez…
    –  D’accord, dit lentement Christian. Je resterai.
    Il vit briller les yeux de Brandt, la main que Brandt posa sur l’épaule de Christian tremblait un peu.
    –  Nous sommes sauvés, Christian, chuchota Brandt. Nous sommes en sécurité…
    Gauchement, il remit sa chemise et sortit de la salle de bains. Christian boutonna soigneusement la sienne et, dans le miroir, étudia l’expression hagarde de ses yeux, les lignes profondes qui barraient ses joues, toute la topographie de la terreur, de la douleur et de la lassitude, obscurément et invinciblement imprimée sur son visage. Il se pencha vers le miroir et regarda ses cheveux. Il y avait, près des tempes, de nombreux fils d’argent… « Mon Dieu ! pensa-t-il, je n’avais encore jamais vu ça. Je vieillis, je vieillis… »Il se raidit, se haïssant lui-même pour la vague d’auto-compassion par laquelle il avait failli se laisser emporter. Il jeta un dernier coup d’œil au miroir et, vivement, retourna dans le salon.
    L’abat-jour rose de l’unique lampe répandait une lumière intime, tamisée, sur les meubles modernes de bois blond, sur le tapis rouge, les tentures de cretonne et la longue silhouette de Françoise, allongée sur le canapé.
    La main dans la main, comme de vieux époux, Brandt et Simone étaient allés se coucher. Après le souper, Brandt avait marmotté un récit inexact et vague des derniers événements, s’était presque endormi sur sa chaise, et Simone l’avait amoureusement entraîné vers leur chambre, dédiant un sourire quasi maternel à Françoise et à Christian demeurés seuls dans la pièce pleine d’ombres.
    –  La guerre est finie, avait murmuré Brandt en guise d’au revoir, la guerre est finie, les enfants, et je vais me coucher. Adieu, lieutenant Brandt, de l’armée du troisième Reich, avait-il déclamé ensuite avec une éloquence ensommeillée. Adieu soldat. Demain, le peintre décadent de peinture non objective se réveillera dans son lit civil, aux côtés de sa femme. Soyez gentille avec mon ami, avait-il ajouté à l’adresse de Françoise. Aimez-le. Il est le meilleur parmi les meilleurs. Fort, délicat, éprouvé au feu, l’espoir de la Nouvelle Europe, s’il doit y avoir une Nouvelle Europe, et s’il y a de l’espoir pour elle. Aimez-le, Françoise.
    –  Le vin lui est monté à la tête, avait dit Simone en le poussant gentiment vers leur chambre.
    –  Bonne nuit, avait encore murmuré Brandt, dans le couloir. Bonne nuit, mes bons amis…
    Puis, la porte s’était refermée, le silence était retombé dans la pièce féminine, avec ses meubles pâles et ses sombres miroirs nocturnes, ses coussins moelleux et la photo de Brandt prise avant la guerre, en béret et chemise basques.
    Christian regarda Françoise. Enfoncée parmi les coussins, les deux mains derrière la nuque, le visage partiellement dans l’ombre, elle contemplait le plafond. Sous son ample peignoir de piqué, son corps était absolument immobile. Parfois, en un petit geste de bien-être paresseux, elle cambrait l’un de ses pieds chaussés de mules de satin, pointait ses orteils vers le bout du canapé et laissait nonchalamment son pied reprendre sa position primitive. Vaguement, Christian se souvint d’un autre peignoir de piqué. Rouge, rouge sombre : Gretchen Hardenburg, la première fois où il l’avait vue, à la porte de son massif appartement de Berlin. Il se demanda ce qu’elle pouvait bien faire, à présent, si l’immeuble était encore debout, si elle vivait encore, si elle était toujours avec la Française aux cheveux gris…
    –  Un soldat fatigué, notre lieutenant Brandt, murmura Françoise des profondeurs du canapé. Un soldat très, très fatigué…
    –  Oui, dit Christian, sans la quitter des yeux.
    –  Il en a vu de dures, n’est-ce pas ? – Françoise cambra son pied. – Ça n’a pas été drôle, au cours des dernières semaines, n’est-ce pas ?
    –  Non, en effet.
    –  Les Américains, dit Françoise d’une voix blanche, innocente. Ils sont très forts, très frais, n’est-ce pas ?
    –  C’est possible.
    –  Les journaux d’ici affirment que tout se passe selon le plan prévu.
    Françoise bougea, et les longues lignes souples de sa silhouette se réajustèrent d’elles-mêmes, sous la robe de chambre.
    –  Les

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