Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
Américains sont contenus, on prépare la contre-attaque.
    Le scepticisme amusé de Françoise ne faisait aucun doute.
    –  Les journaux sont très rassurants. M. Brandt devrait les lire plus souvent.
    Elle s’esclaffa. Son rire eût été sensuel et encourageant, constata Christian, s’ils avaient parlé d’un tout autre sujet.
    –  M. Brandt, reprit doucement Françoise, ne croit pas que les Américains vont être contenus. Et une contre-attaque le surprendrait beaucoup, n’est-ce pas ?
    –  Je le suppose, dit Christian, évasif, en pensant à la même seconde : « Quel but poursuit cette femme ? Où veut-elle en venir ? »
    –  Et vous ?
    Elle parlait en général, sans s’adresser directement à Christian, posant ses questions à l’air chaud et vide.
    –  Il est possible que je partage l’opinion de Brandt, dit Christian.
    –  Vous êtes très fatigué, n’est-ce pas ?
    Françoise s’assit sur le canapé, lèvres entrouvertes, pleine de compassion, mais il sembla à Christian que ses yeux verts aux lourdes paupières mi-closes contenaient un sourire caché.
    –  Vous voulez probablement aller vous coucher vous aussi ?
    –  Pas maintenant, dit Christian.
    Il ne pouvait supporter, soudain, la pensée de voir cette femme moqueuse aux yeux verts, aux longues jambes, se retirer et le laisser seul.
    –  J’ai déjà été beaucoup plus fatigué que cela, depuis le début de la guerre.
    –  Oh, dit Françoise en s’allongeant de nouveau, oh, quel excellent soldat. Stoïque, inépuisable. Comment une armée peut-elle perdre une guerre lorsqu’il lui reste des troupes de cette qualité ?
    Christian se mit à la haïr. Elle tourna la tête sur les coussins, d’un mouvement ensommeillé, et le regarda. Les muscles longs qui jouaient sous la peau de sa gorge formaient un motif délicat d’ombres et de chair voilée. Christian comprit qu’il lui faudrait, tôt au tard, poser ses lèvres sur cette surface tremblante de peau nacrée, qui s’étendait entre la base du cou de Françoise et son épaule à demi dénudée.
    –  J’ai connu un garçon tel que vous, autrefois, dit Françoise en cessant de sourire et lui faisant face. Un Français. Fort et jamais fatigué. Un patriote résolu. Je dois dire que je l’aimais beaucoup… Il est mort en 1940. Au cours d’une autre retraite. Vous attendez-vous à mourir sergent ?
    –  Non, dit lentement Christian. Je ne m’attends pas à mourir.
    –  Très bien.
    Les lèvres appétissantes de Françoise esquissèrent un léger sourire.
    –  Le meilleur parmi les meilleurs, selon le mot de votre ami. L’espoir de la Nouvelle Europe. Vous considérez-vous comme l’espoir de la Nouvelle Europe, sergent ?
    –  Brandt était ivre.
    –  Vous croyez ? Peut-être. Vous êtes sûr de ne pas vouloir dormir ?
    –  J’en suis sûr.
    –  Vous avez l’air très fatigué, vous savez.
    –  Je n’ai pas envie de dormir.
    Françoise acquiesça gentiment.
    –  Le sergent toujours éveillé. Il ne désire pas dormir. Il préfère se sacrifier et tenir la conversation à une Française esseulée, qui, comme toutes les autres, attend l’arrivée des Américains… Demain, je proposerai votre nom pour la Légion d’honneur, deuxième classe, services rendus à la nation française.
    –  Assez ! dit Christian sans bouger de sa chaise. Cessez de vous moquer de moi.
    –  Loin de moi une telle pensée, affirma sérieusement Françoise. Dites-moi, sergent, en votre qualité de soldat, combien de temps mettront les Américains pour parvenir à Paris ?
    –  Quinze jours, un mois, dit Christian.
    –  Ça promet d’être intéressant, n’est-ce pas ? dit Françoise.
    –  Oui.
    –  Puis-je vous dire quelque chose, sergent ?
    –  Quoi donc ?
    –  Je me suis souvent rappelé notre dîner. Était-ce en 1940 ? 1941 ?
    –  1940.
    –  Je portais une robe blanche. Vous étiez très beau. Grand, fort, intelligent, conquérant, splendide dans votre uniforme. Le jeune dieu de la guerre mécanisée.
    Elle s’esclaffa.
    –  Vous recommencez à vous moquer de moi, dit Christian. C’est très désagréable.
    –  Vous m’aviez beaucoup impressionnée.
    Elle leva la main, comme pour repousser une contradiction que Christian ne pensait nullement à lui opposer.
    –  Beaucoup, sincèrement. Et j’avais été très froide avec vous, n’est-ce pas ?
    De nouveau, le petit rire de femme plongée dans ses souvenirs.
    – 

Weitere Kostenlose Bücher