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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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de quatre étages, aux fenêtres soigneusement camouflées. Brandt sonna. Ils n ’avaient rencontré personne.
    Un long moment se passa avant que la porte s’ouvrit de quelques centimètres. Brandt chuchota dans l’entrebâillement, et Christian entendit une voix de vieille femme, hargneuse d’abord, puis aimable et chaleureuse lorsque Brandt eut établi son identité. Une chaîne cliqueta, et la porte s’ouvrit. Christian suivit Brandt dans l’escalier, jetant un coup d’œil, au passage, sur la silhouette emmitouflée de la concierge. « Brandt, pensa Christian, l’homme qui sait à quelles portes frapper et ce qu’il faut dire pour en obtenir l’ouverture. » Quelqu’un pressa un bouton, et la lumière s’alluma dans l’escalier. Christian vit qu’il s’agissait d’une maison bourgeoise, respectable, avec des marches de marbre bien entretenues ; un endroit probablement habité par des vice-présidents et de hauts fonctionnaires du gouvernement.
    Au bout de vingt secondes, les lumières s’éteignirent. Ils montèrent un étage dans l’obscurité. Le Schmeisser de Christian heurta la rampe avec un son métallique. « Attention ! chuchota vivement Brandt. Pas de bruit ! » Il pressa le bouton du palier suivant, et la lumière se ralluma pour vingt secondes, selon le sage principe de l’économie française.
    Ils parvinrent au dernier étage, et Brandt frappa doucement à l’une des portes. Elle s’ouvrit aussitôt, comme si les gens qui habitaient cet appartement n’avaient attendu que ce signal. Un rayon de lumière envahit le palier, et Christian distingua la silhouette d’une femme drapée dans une longue robe de chambre. Puis la femme se jeta dans les bras de Brandt et se mit à sangloter, doucement, en disant : « Tu es là, chéri, chéri, tu es là… »
    Christian se tenait à l’écart, la main sur le canon de son fusil, pour l’empêcher de heurter le mur. L’étreinte de ces deux êtres était une étreinte conjugale, plus soulagée que passionnée, simple, touchante, larmoyante, sans réticence et sans beauté, et profondément intime. Christian souhaitait sincèrement être ailleurs.
    Finalement, riant et pleurant à la fois, Simone se dégagea et repoussa d’une main ses longs cheveux sombres, l’autre toujours posée sur le bras de Brandt, comme pour s’assurer de sa réalité.
    –  Et maintenant, dit-elle – et Christian reconnut, brusquement, sa voix douce – et, maintenant, nous avons le temps d’être polis.
    Elle se tourna vers Christian.
    –  Tu te souviens de Diestl, n’est-ce pas ? dit Brandt.
    –  Bien sûr.
    Impulsivement, elle tendit la main. Christiania serra.
    –  Je suis tellement contente de vous voir. Nous avons si souvent parlé de vous… Entrez… entrez donc… Vous n’allez pas rester toute la nuit sur le palier.
    Ils pénétrèrent dans l’appartement, et Simone referma, derrière eux, la porte à double tour. Brandt et Christian la suivirent dans le salon. Près de la fenêtre, devant les rideaux tirés, se tenait une femme vêtue d’un peignoir de « piqué ». Son visage était dans l’obscurité, en dehors des rayons de l’unique lampe allumée près du canapé, sur une petite table.
    –  Posez vos paquets… et vous devez mourir de faim… et vous voulez sans doute vous laver la figure, babillait familièrement Simone. Nous avons du vin. Nous allons en déboucher une bouteille pour fêter votre retour… Oh ! Françoise, regarde qui est là, n’est-ce pas merveilleux ?
    « Françoise, pensa Christian, Françoise la germanophobe ! » Il la regardait quitter sa place et serrer la main de Brandt.
    –  Je suis si heureuse de vous voir, dit-elle.
    Elle était encore plus jolie que dans la mémoire de Christian, grande, mince, avec de beaux cheveux châtains, un long nez aristocratique, une bouche impassible. Elle se tourna vers Christian, souriante, et lui tendit la main.
    –  Soyez le bienvenu, sergent Diestl, dit Françoise.
    Elle lui serra cordialement la main.
    –  Oh ! dit prudemment Christian. Vous vous souvenez de moi ?
    –  Bien sûr, dit Françoise en le regardant dans les yeux. J’ai souvent pensé à vous.
    « Des yeux gris, illisibles, pensa Christian, vaguement troublé. Pourquoi sourit-elle ? Que veut-elle dire en affirmant qu’elle a souvent pensé à moi ? »
    –  Françoise a emménagé ici le mois dernier, chéri, dit Simone à Brandt. Son appartement a été réquisitionné.

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