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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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sûrement une belle fille qui aimerait avoir votre photo, sur sa table de nuit.
    Michael réfléchit un instant.
    –  M lle  Margaret Freemantle, dit-il, 26 West 10th Street, New York City. C’est juste ce qu’il lui faut pour sa table de nuit.
    Tandis que le chapelain prenait note de son adresse,
    Michael imagina Margaret recevant la photographie et la lettre du chapelain, dans la rue paisible et si plaisante de New York. « Peut-être, alors, m’écrira-t-elle, pensa-t-il. Mais que me dira-t-elle et que lui répondrai-je, je n’en sais absolument rien. Avec tout mon amour, de France, un million d’années plus tard. Signé : ton amant interchangeable, Michael Whitacre, numéro de spécialité dans l’armée : 745, de la tombe de Pierre Sorel, né 1921, mort 1940, en novembre, sous la pluie. Je m’amuse comme un fou, j’aimerais que tu sois… »
    Ils réintégrèrent la jeep et le chapelain redémarra prudemment sur la route étroite, glissante et bombée, creusée d’ornières par le passage des chenilles des tanks et des roues d’innombrables véhicules de l’armée.
    –  Le Vermont, dit aimablement le chapelain à Noah. C’est un coin bien tranquille pour un jeune homme, n’est-ce pas ?
    –  Je n’y resterai pas, dit Noah. Après la guerre, j’irai m’installer dans l’Iowa.
    –  Pourquoi ne venez-vous pas dans le Texas ? proposa le chapelain. Là, au moins, on respire. Vous avez des parents dans l’Iowa ?
    –  Presque, dit Noah. Mon meilleur copain. Un garçon qui s’appelle Johnny Burnecker. Sa mère nous a trouvé une maison que nous pouvons avoir pour quarante dollars par mois, et son oncle a un journal, et il va me prendre quand je reviendrai. Tout est arrangé.
    –  Journaliste, hein ?
    Le chapelain hocha la tête.
    –  Ça, c’est du travail. Et on y gagne de l’argent ?
    –  Oh, ce n’est pas un grand journal, dit Noah. Il sort une fois par semaine et ne tire qu’à huit mille deux cents exemplaires.
    –  C’est un bon point de départ, dit le chapelain. Un tremplin vers de plus grandes choses, dans une grande ville.
    –  Je ne veux pas de tremplin, dit paisiblement Noah. Je ne veux pas vivre dans une grande ville. Je n’ai aucune ambition. Je veux juste rester dans une petite ville de l’Iowa jusqu’à la fin de mes jours, avec ma femme, mon fils, et mon copain Johnny Burnecker. Quand l’envie me prendra de voyager, j’irai jusqu’au bureau de poste.
    –  Oh ! vous vous en fatiguerez, dit le chapelain. Maintenant que vous avez vu le vaste monde, une petite ville vous paraîtra rapidement ennuyeuse.
    –  Non, je ne m’en fatiguerai pas, dit Noah, fermement, en maniant énergiquement l’essuie-glace. Je ne m’en fatiguerai jamais.
    –  Alors, nous n’avons pas le même caractère.
    Le chapelain s’esclaffa :
    –  Je viens d’une petite ville, et je suis fatigué d’avance. Bien qu’à vrai dire je ne pense pas que personne m’attende à la maison. Je n’ai pas d’enfants, et, lorsque la guerre a commencé et que j’ai voulu m’engager, ma femme m’a dit : » Ashton, c’est le corps des chapelains ou moi. Je ne vais pas rester toute seule à la maison pendant cinq ans, à penser à toi, qui parcourras les routes, libre comme l’air, en ramassant Dieu sait quelle sorte de femmes. Ashton, je ne suis pas dupe. Pas une seule minute. » Je lui ai dit qu’elle déraisonnait, mais elle s’est obstinée. Le jour où je remets le pied à la maison, je parie qu’elle demande le divorce. J’avais une dure décision à prendre, c’est moi qui vous le dis. Mais… Oh ! soupira-t-il philosophiquement, ça n’a pas été tellement difficile. Il y a une jolie petite infirmière, au douzième et, près d’elle, j’ai trouvé la consolation.
    Il sourit malicieusement.
    –  Entre mon infirmière et mes photographies, c’est à peine si je pense encore à ma femme. Du moment que j’ai une femme pour apaiser mon chagrin, à mes heures de désespoir, et assez de pellicule pour prendre mes photos, je puis faire face à n’importe quoi…
    –  Mais où trouvez-vous toute cette pellicule ? demanda Michael, pensant aux mille photos de l’album et sachant combien il était difficile d’en obtenir une bobine par mois à n’importe quel prix.
    Le chapelain fit une grimace et posa son doigt en travers de son nez.
    –  J’ai eu des difficultés, au début, mais, maintenant, ça va. C’est la meilleure pellicule du

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