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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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monde.
    Quand les gars reviennent de leurs missions, je demande à l’officier mécanicien du groupe de me laisser couper la partie inutilisée de la pellicule des caméras automatiques, vous savez, celles qui photographient automatiquement les effets des projectiles. C’est fou la pellicule qu’on peut accumuler de cette façon. Le dernier officier mécanicien commençait à se montrer tatillon, à ce sujet ; il était sur le point de se plaindre au colonel que je volais de la propriété gouvernementale, et je n’arrivais pas à le convaincre…
    Le chapelain sourit, l’air songeur.
    –  Mais je n’ai pas d’ennuis, maintenant, dit-il.
    –  Comment tout cela s’est-il terminé ? demanda Michael.
    –  L’officier mécanicien est allé en mission. C’est un bon aviateur, oh ! c’était un excellent aviateur, s’exclama le chapelain avec enthousiasme. Il avait abattu un Messerschmitt et pour fêter ça, avant d’atterrir, il a rasé la tour de la radio. Mais le pauvre garçon a mal calculé son coup d’une cinquantaine de centimètres, et nous avons dû le ramasser aux quatre coins du terrain. J’ai donné à ce garçon l’un des meilleurs enterrements que quiconque ait jamais obtenu du corps des chapelains dans l’Armée des États-Unis, c’est moi qui vous le dis. Un véritable enterrement complet, avec sermon et tout…
    Le chapelain sourit.
    –  Et, maintenant, j’ai toute la pellicule que je veux.
    Michael écarquilla les yeux, se demandant si le chapelain avait bu. Mais il paraissait aussi sobre qu’un juge et conduisait la jeep avec une compétente aisance. « Tout le monde fait ses propres accommodements avec l’armée », pensa-t-il, abasourdi.
    Une silhouette quitta l’abri d’un arbre et leva les bras. Le chapelain s’arrêta. C’était un lieutenant d’aviation, vêtu d’une vareuse de la flotte et portant une de ces mitraillettes au magasin escamotable.
    –  Vous allez à Reims ? demanda-t-il.
    –  Montez, mon vieux, dit cordialement le chapelain. Montez tout de suite à l’arrière. La Jeep du chapelain ramasse tout le monde, sur toutes les routes.
    Le lieutenant grimpa près de Michael, et la Jeep reprit sa route, sous la pluie battante. Michael observa le lieutenant, à la dérobée. Il était très jeune, se mouvait lentement, avec lassitude, et ses vêtements n’étaient pas à sa taille. Le lieutenant remarqua le regard de Michael.
    –  Je parie que vous vous demandez ce que je fais par ici, dit-il.
    –  Oh non ! dit vivement Michael. – C’était un sujet de conversation qu’il désirait particulièrement éviter. – Oh non ! pas le moins du monde.
    –  Je n’arrive pas à retrouver mon groupe de planeurs, dit le lieutenant.
    Michael se demanda comment il était possible d’égarer un groupe de planeurs, surtout à terre, mais ne posa pas de questions.
    –  J’étais dans le coup d’Arnhem, dit le lieutenant, et j’ai été abattu en Hollande, à l’intérieur des lignes allemandes.
    –  Les Anglais ont tout gâché, comme d’habitude, dit le chapelain.
    –  Ah ? soupira le lieutenant. Je n’ai pas lu les journaux.
    –  Qu’est-il arrivé ? demanda Michael.
    Il était difficile d’imaginer ce garçon au visage doux et pâle tombant avec son planeur derrière les lignes ennemies.
    –  C’était ma troisième mission, dit le lieutenant. Ils m’ont lâché au-dessus de la Sicile, de la Normandie et, enfin, de la Hollande. Ils nous avaient promis que ce serait la dernière.
    Il sourit faiblement.
    –  En ce qui me concerne, ils ont bien failli avoir raison.
    Il haussa les épaules.
    –  D’ailleurs, je ne les crois pas. Ils nous lâcheront encore au-dessus du Japon, avant la fin de la guerre.
    Il frissonna dans ses vêtements trop grands et trempés de pluie.
    –  Je ne le demande pas, dit-il. Je suis loin de le demander. Je me prenais pour un brave pilote, un futur « homme-aux-cent-missions », mais la première fois que j’ai vu leur D. C. A. m’arracher une aile, j’ai perdu mon sang-froid. J’ai tourné la tête et j’ai navigué comme j’ai pu, en me disant : « Francis O’Brien, tu n’es pas fait pour faire ce sale métier. »
    –  Êtes-vous un catholique romain, Francis O’Brien ? dit le chapelain.
    –  Oui, mon capitaine.
    –  J’aimerais que vous me donniez votre opinion sur la question suivante, dit le chapelain en se penchant sur son volant. J’ai trouvé un harmonium, dans une

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