Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
divine, Nargue le dénouement invisible, exposant Tout ce qui est mortel et débile aux audaces De la fortune, du danger et de la mort, Pour une coque vide.
    Michael marchait lentement le long du parc, pensant aux cygnes qui dormaient à présent sur la serpentine, et aux orateurs qui reviendraient dimanche prochain, et aux servants des canons de D. C. A., qui devaient se reposer en préparant du thé, maintenant que les avions avaient fui l’Angleterre. Il se souvenait de ce que le capitaine irlandais d’une batterie de Douvres, qui avait abattu quarante appareils, lui avait dit de la D. C. A. londonienne. « Ils n ’ont jamais touché personne, avait-il dit avec un mépris évident. C’est même bizarre que Londres ne soit pas encore complètement détruit. Ils sont si occupés à planter des rhododendrons autour de leurs emplacements et à astiquer leurs canons pour qu’ils brillent au cas où Miss Churchill passerait par là qu’ils ne sont canons que de nom. »
    La lune se levait, par-dessus les vieux arbres et les immeubles mutilés, et un craquement de verre broyé signalait l’écrasement, sous les semelles des soldats, des vitres soufflées au cours du raid.
    –  Canons que de nom, canons que de nom, chantonnait Michael en entrant au Dorchester , sous les yeux de l’énorme portier à la poitrine constellée de décorations de l’autre guerre. Canons que de nom, canons que de nom, répétait Michael, enchanté de l’assonance.
    Un peu de musique de danse filtrait jusque dans le hall. Les vieilles dames et leurs neveux buvaient solennellement leur thé. De jolies filles flottaient dans l’air, au bras des officiers aviateurs américains, et Michael avait le sentiment, en regardant la scène, d’avoir déjà lu tout cela, au sujet de la dernière guerre ; que les personnages, l’intrigue, les décors étaient exactement les mêmes, les costumes à peine différents. Par une transposition absurde dans le temps, pensa-t-il, nous devenons les héros des romans de notre jeunesse, toujours trop tard, malheureusement, pour y paraître romantiques.
    Il monta au premier étage, dans la grande salle où la réception battait toujours son plein et où Louise lui avait promis de l’attendre.
    –  Regardez, s’écria soudain une jolie fille brune en se tournant vers un colonel. Regardez… Un simple soldat. Je vous avais dit qu’il y en avait au moins un à Londres. Voulez-vous venir souper mardi prochain ? demanda-t-elle à Michael. Nous vous gonflerons à bloc, charpente de l’Armée.
    Michael lui sourit. Le colonel ne sourit pas à Michael.
    –  Venez, ma chère, dit-il en prenant la grande fille brune par le bras. – Je vous donnerai un citron, si vous venez, jeta la brune par-dessus son épaule, en ondulant dans le sillage du colonel. Un vrai citron tout entier.
    Les yeux de Michael firent le tour de la salle. « Six généraux », remarqua-t-il, mal à l’aise. Il n’avait encore jamais rencontré de généraux. Il regarda son blouson trop large et ses boutons insuffisamment astiqués. Il n’aurait pas été surpris si l’un des généraux était venu prendre son nom, son grade et son matricule, pour le signaler à cause de ces maudits boutons.
    Il ne vit pas Louise et n’osa pas aller au bar commander un verre, parmi tous ces étrangers à l’allure importante. Il avait toujours cru avoir passé depuis seize ans l’âge de la timidité, mais, depuis qu’il était dans l’armée, une timidité tardive s’était développée en lui, plus puissante, plus paralysante que sa timidité de jeune garçon, lorsqu’il se trouvait en face d’officiers, de soldats revenant du front, parmi des femmes avec lesquelles il se serait senti, en d’autres circonstances, parfaitement à son aise.
    Il se tint un instant près de la porte, examinant les généraux. Leurs têtes ne lui revenaient pas. Elles ressemblaient trop à celles des hommes d’affaires, des entrepreneurs de petites villes, des directeurs d’usines un peu trop gras, aux situations un peu trop « assises », à l’œil toujours en quête d’une nouvelle possibilité de négoce. « Les généraux allemands ont de meilleures têtes, pensa-t-il, c’est-à-dire meilleures pour des généraux. Plus dures, plus cruelles, plus déterminées. Un général, pensa-t-il, devrait avoir l’air, soit d’un pugiliste poids lourd, regardant froidement le monde à travers les fentes étroites de ses yeux martelés, soit d’un homme

Weitere Kostenlose Bücher