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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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vers son blouson trop large et son pantalon en accordéon.
    –  Oui, mon capitaine, dit-il.
    –  Je m’en fous éperdument, dit Mincey. Si ça ne dépendait que de moi, vous pourriez aussi bien venir ici en tutu et chapeau haut de forme. Mais, quand nous recevons la visite des officiers d’autres unités, ils emportent une mauvaise impression.
    –  Oui, mon capitaine, dit Michael.
    –  Un service comme le nôtre, continua Mincey, doit être plus intégralement militaire qu’un régiment de parachutistes. Faut que ça brille, faut que ça jette des étincelles. Vous avez tout juste l’air d’un prisonnier bulgare.
    –  Oui, mon capitaine, dit Michael.
    –  Vous devriez, par exemple, vous procurer un autre blouson.
    –  Il y a deux mois que j’essaie, dit Michael. Le sergent du magasin d’habillement ne m’adresse plus la parole.
    –  Vous pourriez au moins faire briller vos boutons. Ce n’est pas trop demander, que je sache !
    –  Non, mon capitaine, dit Michael.
    –  Qui sait, insista Mincey, si nous ne recevrons pas un de ces jours la visite du général Lee ?
    –  Oui, mon capitaine, dit Michael.
    –  En outre, reprit Mincey, vous avez toujours trop de papiers sur votre bureau. Cela donne une impression de désordre. Mettez-les dans les tiroirs. Un seul papier à la fois sur votre bureau !
    –  Oui, mon capitaine.
    –  Autre chose encore, dit Mincey d’une voix humide. Avez-vous de l’argent sur vous ? Ils m’ont laissé la note sur les bras, hier soir, aux Ambassadeurs, et je ne touche que lundi prochain.
    –  Une livre fera-t-elle votre affaire ?
    –  C’est tout ce que vous avez ?
    –  Oui, mon capitaine, dit Michael.
    –  O. K. – Mincey prit le billet d’une livre. – Merci. Je suis très heureux de vous avoir parmi nous, Whitacre. Ce bureau n’était que pagaïe, avant votre arrivée. Si seulement vous consentiez à ressembler davantage à un soldat.
    –  Oui, mon capitaine, dit Michael.
    –  Envoyez-moi le sergent Moscowitz, dit Mincey. Ce salaud-là est toujours plein de pognon.
    –  Oui, mon capitaine, dit Michael.
    Il pénétra dans l’autre bureau et envoya le sergent Moscowitz au capitaine.
    Ainsi passaient les jours, à Londres, pendant l’hiver de 1944.
    Oh, mon crime est infect, il sent jusques au ciel  dit le Roi, après la sortie de Polonius,
    La malédiction première, originelle,
    Pèse sur ce forfait qu’est le meurtre d’un frère !
    De chaque côté de la scène, apparut soudain le signal lumineux « Alerte aérienne ». Un moment plus tard, parvinrent, atténués, les hurlements des sirènes. Puis, presque immédiatement, au loin, vers la côte le bruit de la canonnade.
    Prier ? Je ne le puis, continuait le Roi.
    Ma forte envie égale
    Ma volonté, mais, se heurtant à la conscience de mon crime, elles succombent…
    En même temps que le ronflement des avions, la canonnade se rapprocha rapidement. Michael regarda autour de lui. C’était la première d’un nouveau Hamlet, et tout l’auditoire était sur son trente et un. Il y avait de nombreuses dames d’un certain âge, qui donnaient l’impression d’avoir assisté à toutes les premières de Hamlet depuis Sir Henry Irving. Au riche éclat de la scène répondait l’éclat vénérable des cheveux blancs strictement arrangés en coiffures lisses. Personne ne bougeait dans la salle, tandis que le roi tourmenté marchait de long en large, à travers la grande pièce sombre d’Elseneur.
    Pardonne-moi mon meurtre infâme, disait le Roi
    C’est impossible, puisque je reste possédé
    Des effets pour lesquels j’ai perpétré le crime :
    Couronne, ambition, la reine mon épouse…
    C’était la grande tirade du Roi et il l’avait visiblement travaillée dur. Il avait la scène pour lui tout seul et, devant lui, un long soliloque. Il s’en montrait à la hauteur, du reste, troublé, maudit, intelligent, tandis qu’entre les portants Hamlet se demandait s’il l’allait ou non poignarder.
    Le bruit des canons s’approchait à grands pas du théâtre, et le son saccadé des moteurs allemands survolait à présent son dôme. Plus haut, toujours plus haut, parlait le Roi, à travers les trois cents ans de rhétorique anglaise, défiant les bombes, les moteurs, les canons. Personne ne bougeait dans tout l’auditoire. Ils écoutaient, aussi passionnément attentifs que s’ils avaient été assis au Globe, le jour de la première représentation de la tragédie

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