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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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propre protection, je m’en tirerai, cette fois encore, et tout seul…
    »  Oh ! et puis, zut ! qu’ils aillent au diable, pensa-t-il, généraux ou pas généraux, je vais boire un verre. » Il traversa la pièce d’un pas vif, s’accouda au comptoir.
    –  Whisky-soda, s’il vous plaît, dit-il au barman. Il but la première gorgée avec reconnaissance. Près de Michael, un colonel affecté aux services de ravitaillement de l’Armée britannique bavardait avec un commandant de la R. A. F. Ni l’un ni l’autre ne firent attention au soldat de première classe Michael Whitacre. Le colonel était légèrement ivre.
    –  Herbert, mon vieux, disait-il. Je suis allé en Afrique, et je peux t’en parler avec autorité. Pour ce qui est du ravitaillement, les Américains sont nos maîtres. Camions, postes d’essence, circulation, ils sont supérieurement organisés. Mais il faut voir les choses comme elles sont, Herbert, ces gens-là ne savent pas combattre. Si Montgomery était un garçon pratique, il leur dirait : « Les gars, nous allons vous remettre tous nos camions, et vous allez nous remettre tous vos canons et tous vos tanks. Vous vous chargerez de ne jamais nous laisser manquer de quoi que ce soit, parce que vous êtes imbattables dans ce genre de sport ; nous nous chargerons de la bagarre et nous serons tous rentrés chez nous à Noël. »
    Le commandant de la R. A. F. approuva solennellement et les deux officiers du roi commandèrent deux autres whiskies. « L’O. W. I., pensa cyniquement Michael, en contemplant le crâne rose du colonel, gâchera tout l’argent des contribuables avant de parvenir à convaincre ces deux-là. »
    Puis il vit Louise retraverser la salle, en manteau gris, posa son verre et se hâta de la rejoindre. Son visage n’était plus sérieux, mais orné de son habituel sourire interrogateur, comme si elle ne croyait jamais que la moitié de ce que le monde lui racontait. « Elle a dû se regarder dans le miroir, au vestiaire, pensa Michael, et se dire : « Je ne montrerai plus rien, ce soir », et remettre son vieux visage, comme elle remet maintenant ses gants. »
    –  Seigneur, ricana Michael en la pilotant vers la porte, ô Seigneur, permettez-moi d’échapper au danger qui me menace.
    Louise le regarda, comprit à moitié et sourit, l’air songeur.
    –  Ne prends pas ce danger trop à la légère, dit-elle d’un ton menaçant.
    –  Dieu m’en garde ! dit Michael.
    Ils rirent et parcoururent, côte à côte, le hall du Dorchester, parmi les vieilles dames prenant le thé avec leurs neveux, les jeunes capitaines d’aviation flirtant dans les coins avec les jolies filles, l’orchestre de jazz anglais, conservateur et timoré, dont les musiciens souffraient et faisaient souffrir leurs auditeurs parce qu’il n’y avait pas de Nègres en Angleterre pour lui insuffler une nouvelle vie et dire aux saxophonistes et aux batteurs : « Oh, alors, m’sieur, vous y êtes pas du tout ! Écoutez, m’sieur, serrez pas tant vot’ instrument. Donnez-lui de la liberté, m’sieur, comme ça, vous allez voir… » Michael et Louise mar chaient une fois encore, bras dessus bras dessous, et peut-être pour la dernière foi, dans l’enceinte heureuse et fragile de l’amour. À l’extérieur, de l’autre côté du parc, dans l’air frais de la nuit, les derniers incendies laissés derrière eux par les Allemands projetaient du ciel leurs lueurs agonisantes.
    Ils se dirigèrent lentement vers Piccadilly.
    –  J’ai décidé quelque chose, ce soir, dit Louise.
    –  Quoi donc ? demanda Michael.
    –  Il faut que je fasse de toi au moins un lieutenant. C’est ridicule de demeurer simple soldat toute sa vie. Je vais parler à quelques-uns de mes amis.
    Michael se mit à rire.
    –  Ne te fatigue pas, dit-il.
    –  Tu n’aimerais pas être officier ? Michael haussa les épaules.
    –  Peut-être. Je ne me le suis jamais demandé. Mais, de toute façon, ne te donne pas cette peine.
    –  Pourquoi ?
    –  C’est impossible.
    –  Tout est possible, protesta Louise. Et si je le leur demande…
    –  Rien à faire. Il faudra que ça retourne à Washington, et ce sera inévitablement rejeté.
    –  Pourquoi ?
    –  Parce qu’il y a, à Washington, un type qui me prend pour un communiste.
    –  C’est ridicule.
    –  C’est ridicule, mais c’est comme ça.
    –  Et tu es communiste ?
    –  À peu près autant que Roosevelt, dit

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