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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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m’avait contraint à dormir dans une posture inconfortable et les muscles de mes épaules et de mon dos étaient fourbus. J’avais une grande envie de m’étirer pour me soulager, mais j’en étais incapable.
    Autour de moi, le camp était déjà animé et on préparait le départ. La plupart des soldats mangeaient en discutant, tandis que d’autres sellaient déjà leur monture. Je repérai Ugolin et Pernelle qui avalaient sans enthousiasme le contenu d’un bol en bois. Je fus soulagé de constater que, malgré la raclée subie la veille, le Minervois était vivant. Son visage était tuméfié, mais il s’en remettrait. Il avait connu bien pire.
    Un des hommes de Pierrepont se dirigea vers moi et me remit un plat de bouillie que je me forçai à avaler. Puis nous nous mîmes en route.
    Le soir venu, nous nous arrêtâmes pour la nuit et un soldat vint me porter mon repas. Il posa mon plat sur le sol et s’accroupit près de moi. Visiblement méfiant, il tira sa dague et la brandit près de mon visage.
    — Je vais te détacher pour que tu puisses manger, dit-il. Au moindre mouvement suspect, je t’enfonce ceci dans les entrailles. Compris ?
    Nullement impressionné, je pris le temps de le toiser jusqu’à ce qu’il se tortille, mal à l’aise, puis je hochai lentement la tête sans le quitter des yeux. Il défit le nœud de la corde qui liait mes fers à l’arbre et fit mine de reculer.
    Dès que je fus libre, la rage qui s’était accumulée en moi depuis des jours explosa et il en paya le prix. D’un geste vif, je bondis sur lui, passai la chaîne qui reliait mes poignets autour de son cou, la croisai sur sa nuque et serrai de toutes mes forces. Il se débattit comme un diable, essayant de passer les doigts entre le métal et sa peau pour se donner un peu d’air, mais je tins bon. À mesure que les muscles de mes bras se gonflaient de sang pour maintenir la pression sur son gosier, un sourire de profonde satisfaction s’emparait de mon visage. Une part de moi aimerait toujours ces sales besognes. Celle-ci était gratuite, mais je me sentais à nouveau vivant.
    Les mouvements du soldat se firent bientôt moins vifs. Le temps que ses compagnons réalisent ce qui se passait, il gisait sur le sol, aussi mort qu’une pierre, le visage bouffi et cramoisi, la langue protubérante, les yeux exorbités. Je ramassai sa dague et me redressai pour faire face à ceux qui approchaient. Ils avaient tous tiré l’épée et je savais pertinemment que je n’avais aucune chance de survivre s’ils me sautaient dessus. J’avais envie de combattre, mais je devais vivre encore un peu. De surcroît, il allait de soi que les hommes de Pierrepont n’étaient pas autorisés à me tuer. Ils m’encerclèrent donc, l’œil noir de colère et de haine, contenant mal leur désir de me tailler en pièces.
    Ironiquement, depuis mes premiers entraînements avec Bertrand de Montbard, mes accès de violence avaient toujours eu un effet libérateur, comme s’ils me permettaient de me purger temporairement de mes pulsions les plus sauvages. Par la suite, j’avais l’esprit libre et clair.
    Mes épaules soudain débarrassées d’un immense poids, j’adressai aux soldats mon plus beau sourire et jetai la dague devant moi. Puis je m’assis tranquillement près du cadavre et attrapai le bol rempli de ragoût graisseux qui se trouvait toujours là. Je pris le temps de le humer. Il était encore chaud. La mort, lorsqu’elle frappe, ne perd pas de temps. Je semblais être le seul à l’avoir trompée.
    —    Excusez-moi, dis-je à l’ensemble des soldats, mais l’exercice m’a ouvert l’appétit.
    Deux des hommes semblaient prêts à me sauter dessus pour me tailler en pièces lorsque Pierrepont et Thury s’approchèrent et examinèrent la scène.
    —    Ne peux-tu donc pas te tenir tranquille plus de deux jours ? grommela Alain en secouant la tête. Tu ne facilites ni ta vie, ni la mienne.
    —    J’en suis vraiment contrit, ironisai-je en jouant à l’enfant penaud. Je tenterai de mieux me conduire à l’avenir. Mais que veux-tu ? Consuetudinis vis magna est 11 . Et puis, j’ai accepté de te suivre jusqu’à Carcassonne, mais je n’ai jamais dit que je le ferais docilement.
    Il soupira, exaspéré.
    —    Danyau n’a plus mal aux os, le pauvre. Quant à toi, Gondemar, ta vie n’aura pas toujours la même valeur, me prévint-il, en posant la main sur le pommeau de son épée. Bientôt, tu ne

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