Le Baptême de Judas
exactement ce qu’il venait de déclarer et elle était dûment signée.
— Ta parole ne valant pas ce morceau de papier, je serais plus tranquille si tu y apposais ton sceau, dis-je en la lui rendant.
Guillot fouilla à nouveau dans la sacoche et en sortit une chandelle rouge dont il alluma la mèche dans le feu. Il fit couler quelques gouttes de cire au bas du parchemin et Amaury y appuya la bague qui ornait le majeur de sa main gauche.
— Voilà, dit-il en pliant le papier. Satisfait ?
Je pris la lettre et la donnai aussitôt à Roger Bernard.
— Assure-toi de la remettre à ton père, lui dis-je. Si le fourbe qui règne à Rome décide de poursuivre les hostilités, il saura comment l’utiliser.
— Compte sur moi, répondit Foix avant de fourrer le document dans sa chemise.
Amaury attendit que je reporte mon attention sur lui.
— Puisque te voilà satisfait, donne-moi les documents.
Je tirai les deux parchemins de ma chemise et les lui tendis. Il les saisit avec un peu trop d’empressement pour un personnage de sa dignité. Il les lut puis se tourna vers Véran et lui fit signe de s’approcher. Le templier obéit et les consulta à son tour. De toutes mes forces, je souhaitai qu’il comprenne que nos plans avaient changé depuis son départ et qu’il joue le jeu. Il ne me déçut pas.
— Ce sont les lettres d’Hugues de Payns et de Robert de Sablé, affirma-t-il, jouant son rôle à la perfection. Elles sont sans valeur. Il manque le manuscrit de Pilatius Pontius, qui confirme la survie de Ieschoua. Ce filou essaie de te faire marcher.
— C’est aussi ce que je pense, renchérit le légat.
Amaury releva vers moi un visage grave et empourpré de colère.
— À quoi joues-tu ? demanda-t-il.
— Disons que je connais la valeur de ta parole et de celle de Montfort. Tu auras le dernier parchemin lorsque dame Cécile sera à deux heures d’ici. Pas une minute plus tôt.
Montfort se mit à rire à gorge déployée puis dit précisément ce que j’avais anticipé.
— Laisser partir ma seule monnaie d’échange sans avoir conclu la transaction ? s’exclama-t-il. Me prends-tu pour un sot ?
— Non, rétorquai-je. Tu es un pervers, un sadique, un bourreau, un voleur et un ambitieux, mais pas un sot.
La main gauche de Simon remonta à la vitesse de l’éclair et son revers s’abattit sur mon visage. J’accusai le coup en vacillant, sans le quitter des yeux.
— Ne crains rien, dis-je en tâtant ma joue douloureuse. J’apprécie tellement ta compagnie que je prendrai la place de Cécile. Le moment venu, je te conduirai moi-même à l’endroit où aura été déposé le document. Si quelque chose survient qui te déplaît, tu trouveras certainement une façon de m’arracher l’emplacement de la première part.
— Tu mourrais avant de me le révéler, grogna-t-il.
— Peut-être, mais c’est un risque que tu devras courir. Le dernier parchemin sera laissé à un endroit que je t’indiquerai lorsque mes compagnons et dame Cécile seront partis depuis deux heures. C’est à prendre ou à laisser.
Pour toute réponse, Montfort m’enfonça son poing dans le ventre, ce qui me plia en deux. Derrière moi, je sentis Ugolin s’avancer pour me défendre, mais je tendis le bras pour l’arrêter.
— J’en conclus que tu acceptes mes conditions ? râlai-je en me relevant.
Soufflant comme un taureau, le chef des croisés consulta Amaury du regard. Toujours aussi princier, le légat hésita un peu puis hocha positivement la tête. Satisfait, je remis mon épée et ma dague à Montfort.
— Voilà. Je suis ton otage.
— Alain, détache la donzelle, grogna Montfort, contrarié.
Pierrepont se rendit auprès de Cécile et défit ses liens.
— Allez, petite putain, lui chuchota-t-il, tu vas bientôt pouvoir te faire engrosser par un autre.
Dès qu’elle fut libre, Cécile se précipita vers moi et se jeta dans mes bras. Je la serrai de toutes mes forces, sachant que le temps était compté et que c’était la dernière fois que je connaîtrais ce plaisir si simple. Elle me rendit ma caresse avec ferveur, enfouissant son nez dans le creux de mon épaule et m’encerclant le cou assez fort pour le casser.
— Je t’aime, murmura-t-elle.
— Moi aussi, tu m’as donné le seul bonheur que j’ai connu.
Je me libérai un peu de son étreinte pour la regarder
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