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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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dévisagea mes compagnons et les salua un à un avec une élégance moqueuse.
    —    Comte de Foix, sire Ugolin, sire Eudes, mes hommages. Et tu es ? demanda-t-il en s’arrêtant à Jacques.
    —    Un homme qui ne te veut aucun bien et qui t’enfoncera sa lame dans les fondements à la première occasion, maudite hyène, répondit calmement Payraud.
    —    Bon, ricana Montfort, nullement impressionné par la menace. Demeure inconnu si cela te plaît.
    —    Tu aurais plus de chance avec les fesses du fils qu’avec celles du père, renchérit Ugolin, le visage fendu par un sourire arrogant. Il adore s’y faire enfoncer des choses.
    Cette fois, le visage de Montfort s’empourpra, mais il se retint de répliquer. Puis je cessai de me préoccuper des autres. Cécile était là, attachée debout, dos à un arbre, un peu à l’écart. Je crus que mon cœur allait se fendre de soulagement lorsque je l’aperçus. On ne l’avait pas maltraitée. Son visage était intact et la robe verte qu’elle portait était propre. Une guimpe de soie coiffait ses cheveux blonds. Malgré le port altier de sa tête, ses grands yeux bleu pâle étaient ronds comme des pièces de monnaie et mouillés de larmes. Elle m’adressa un tendre sourire et, à ce moment précis, je sus, hors de tout doute, que ma décision ne changerait pas. Quoi qu’il advienne, cette femme magnifique et lumineuse, qui m’avait révélé un bonheur dont je ne soupçonnais même pas l’existence, vivrait. Un jour, elle serait heureuse dans les bras d’un autre. C’était le plus grand présent que je pouvais offrir à celle que j’aimais. Le seul.
    —    Tu vas bien ? Ils ne t’ont rien fait ? lui demandai-je.
    Elle hocha la tête et la lumière du soleil fit briller la larme qui roula sur sa joue. Je fus saisi par l’envie de traverser la clairière pour l’essuyer tendrement avec mon pouce, comme je l’avais souvent fait. Je dus me faire violence pour résister. L’heure n’était pas aux épanchements.
    Je reportai mon attention sur les croisés et m’arrêtai sur Véran. Son visage tuméfié trahissait le traitement que Montfort, toujours aussi colérique lorsqu’on le contrariait, lui avait fait subir en apprenant que le contrôle de la situation lui avait échappé.
    —    Te voilà de retour parmi les tiens, traître, lui jetai-je pour faire bonne mesure devant les croisés.
    —    Comme tu vois, rétorqua-t-il.
    —    Au moins, tu as transmis mon message. Tu fais un piètre homme d’honneur, mais un excellent laquais.
    —    Un laquais dont tu as joyeusement refait le portrait, intervint Pierrepont.
    —    Ne crains rien, ajouta Thury. Même privé d’oreilles, il entend très bien le tintement des pièces de monnaie qui lui sont dues !
    Tous s’esclaffèrent, laissant libre cours au mépris qu’ils éprouvaient pour celui qu’ils considéraient comme un traître vénal et indigne d’estime. Véran joua le jeu et se renfrogna, ce qui accrut encore l’admiration que j’éprouvais pour lui. Pour une cause plus grande que sa personne, il avait passé sa vie à jouer double jeu, tant aux yeux des Neuf que des croisés. Les dernières années avaient dû être, pour lui, un véritable enfer de solitude et de dédain, mais il avait tout enduré avec courage. Malgré les circonstances, je ressentis le besoin de le défendre un peu.
    —    Certains sont sensibles aux attraits des espèces sonnantes et trébuchantes, et d’autres à ceux du cul des petits mignons, dis-je avec mépris en dévisageant Thury et Guy.
    Le jeune Montfort baissa aussitôt les yeux, honteux d’être ainsi traité devant le père dont il convoitait tant l’estime. Lambert, pour sa part, soutint mon regard avec morgue en mâchonnant un brin d’herbe, nullement dérangé par ma référence à son inversion.
    —    Tu devrais aussi garder un œil sur ta putain de sœur, renchérit Ugolin, derrière moi. Sinon, ta lignée sera remplie de petits bâtards et tu ne sauras plus à qui léguer toutes les terres que tu as volées.
    Simon de Montfort se leva lentement, déployant sa charpente massive. Puis Arnaud Amaury fit de même. Ensemble, ils s’approchèrent de moi.
    —    Assez de fanfaronnades, déclara le légat. Comme tu vois, la demoiselle de Foix a été bien traitée, tel que promis. Il est temps de conclure notre transaction.
    Il tendit vers moi une main délicate aux doigts ornés de bagues.
    —

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