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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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s’éteindre pour de bon et je pisserai sur ta carcasse. Mais je devais tenter ma chance.
    —    Tu m’aurais déçu si tu ne l’avais pas fait.
    Il renversa la tête et rit de bon cœur.
    —    Quel dommage, tout de même, que tu aies changé de camp, dit-il en me donnant une claque presque amicale sur l’épaule. J’aurais aimé te compter parmi mes hommes.
    —    On me dit de très mauvaise compagnie.
    —    Je n’en doute pas un instant.
    Le légat s’approcha de nous et me dévisagea.
    —    Viens t’asseoir, me dit-il, toute arrogance disparue. J’aimerais m’entretenir avec toi.
    N’ayant rien de mieux à faire, et intrigué par son soudain changement d’attitude, je le suivis. Il se déposa avec une délicatesse étudiée sur son siège et me désigna une pierre près de lui, sur laquelle je pris place. D’un geste élégant, il appela Guillot, qui se dirigea vers nous, une outre dans une main et deux gobelets d’argent dans l’autre. Servile à l’excès, le moine servit une rasade à son maître puis en fit autant pour moi, non sans m’adresser au passage un regard haineux. Puis il s’en retourna à sa place, loin des autres, qui l’ignoraient ouvertement.
    Arnaud Amaury prit une gorgée et ferma les yeux pour savourer le vin qu’il fit tourner dans sa bouche avant de l’avaler. Je bus à mon tour, conscient qu’il s’agissait du dernier verre du condamné, et appréciai à sa juste valeur le riche nectar des terres du Sud.
    —    Au-delà des nombreux désagréments que tu m’as causés, je dois admettre que tu m’intrigues, Gondemar de Rossal, dit-il avec civilité. Je me souviens comme si c’était hier de la première fois que je t’ai vu. C’était devant Béziers, voilà trois ans. Toi et Montbard accompagniez sire Evrart de Nanteroi. Vous veniez mettre votre bras à mon service. Et quel bras ! On dit que tu t’es battu comme un diable ; que tu as massacré autant que quiconque et davantage que plusieurs.
    —    C’est vrai, admis-je, me rappelant l’état second dans lequel je m’étais retrouvé, frappant à qui mieux mieux tout ce qui passait à ma portée. J’ai les mains aussi couvertes de sang que les autres. Seules les tiennes sont restées nettes, ajoutai-je avec sarcasme.
    —    Il y a les  oratores, les bellatores et les laboratores 2 , répondit-il avec nonchalance. Le monde est ainsi fait et chacun y joue son rôle. Il est normal que notre sainte mère l’Église laisse aux autres le soin de verser le sang.
    —    Certains ont la vie plus facile que d’autres.
    —    Je te le concède. Mais ils ont aussi plus de responsabilités.
    Il but un peu et me toisa longuement, comme s’il cherchait à lire en moi.
    —    Après la bataille, tu as disparu, poursuivit-il. Lorsque tu as refait surface, tu t’étais retourné contre ta sainte mère l’Église. Je brûle de comprendre ce qui s’est passé pour que tu te détournes ainsi du droit chemin.
    —    Le droit chemin, dis-tu ? C’est le plus facile, certes, mais nous savons tous les deux que la droiture n’est pas la principale qualité de l’Église.
    —    Néanmoins, explique-moi, insista-t-il.
    —    Disons que des circonstances indépendantes de ma volonté m’y ont poussé, répondis-je évasivement.
    —    C’est la petite Parfaite qui t’a converti ? Pourtant, tu as été dûment baptisé. Je t’aurais cru moins influençable.
    —    Je ne suis pas converti. Je n’ai pas reçu le  consolamentum , ni la moindre instruction cathare. Mais, avec ce que je sais maintenant, je ne suis plus chrétien non plus. En fait, je ne suis. plus rien. Je me contente d’obéir à Dieu et, crois-moi, il est plus exigeant que tu ne pourras jamais l’imaginer.
    Amaury porta la coupe à sa bouche et prit un instant pour savourer le vin.
    —    Un homme à la foi bien ancrée, mais sans religion. Rares sont ceux qui distinguent les deux. Tu es vraiment un cas à part, dit-il, songeur. Je ne sais plus si tu es impie ou hérétique. Ne crains-tu pas pour le salut de ton âme ?
    Je portai la main à la cicatrice qui encerclait ma gorge et la massai doucement.
    —    Depuis trois ans, je ne pense qu’à ça.
    —    Ta vie n’aurait-elle pas été plus simple si tu étais demeuré chrétien ?
    —    Sans doute, avouai-je. Après tout,  ignoratio est felicitas 3
    Je dus me retenir pour ne pas paraître trop satisfait, de

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