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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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l’aimais aussi, Gondemar, me répondit-il avec le ton tourmenté et abattu de celui qui a vendu son âme au diable. Comme un père. Tu dois me croire.
    —    Te croire ? rétorquai-je, m’enflammant malgré moi. En trahissant l’Ordre, tu as craché sur sa mémoire ! Sans compter ton serment ! Je promets et je jure de garder les secrets de l’Ordre des Neu f, me mis-je à réciter, les mots s’écoulant comme le flot d’une rivière. Je m’engage à ne les point révéler et à empêcher tout frère ou sœur de le faire, y compris son Magister, s’il est en mon pouvoir de l’en empêcher, et en le tuant s’il le faut. Je m’engage en outre à les défendre au prix de ma vie, à leur consacrer mon existence entière et à les emporter dans la tombe. Je jure enfin d’obéir en tout au Magister sans jamais contester les ordres donnés sous l’abacus, et de ne sortir de Montségur qu’avec son autorisation expresse.
    Il acquiesça de la tête, admettant que j’avais raison et semblant en éprouver un profond regret.
    —    J’ai rejeté tout cela, en effet. Mais toi ? demanda-t-il enfin. Ne t’apprêtes-tu pas à trahir ce même serment ?
    —    Ce. ce n’est pas la même chose, balbutiai-je, embarrassé de me faire rappeler que j’avais quitté Gisors en acceptant publiquement de livrer la première part à Montfort en échange de la vie de Cécile. Et, aux yeux de mes ennemis, telle était toujours mon intention.
    Il remarqua sans doute mon hésitation, car dans la lumière dansante de la chandelle, son visage se fit compatissant.
    —    Tu es bien placé pour comprendre que la vie est ainsi faite qu’il est parfois impossible de respecter une parole donnée avec sincérité, dit-il. Parfois, aussi, les serments se contredisent et imposent un choix.
    Ses yeux, habituellement si vifs et alertes, étaient éteints et cernés. De fines rides encadraient sa bouche et plissaient son front. Il semblait avoir vieilli de dix ans depuis la dernière fois que je l’avais vu. Il avait l’air troublé, torturé. Il me laissa le scruter à souhait, comme s’il s’agissait d’un tribut qu’il devait verser pour expier sa faute. Comment pouvais-je le juger, moi qui m’apprêtais à prendre le même chemin que lui ? J’ignorais ce qui avait pu lui faire trahir la cause, mais il devait s’agir de quelque chose de terrible, car le Véran que j’avais connu était un homme honorable et loyal. J’osais à peine imaginer ce qui avait pu le conduire là.
    —    Tu dis vrai, soupirai-je en lui rendant son mouchoir ensanglanté.
    Je reniflai et me raclai la gorge avant de cracher un caillot de sang.
    —    Mais tu dois savoir que nous sommes désormais des ennemis, poursuivis-je. Si j’en ai l’occasion, je t’ouvrirai la gorge sans le moindre remords. Tu ne vaux pas mieux que Raynal.
    —    N’en sois pas si sûr. Raynal avait ses raisons de retourner sa veste, et moi, les miennes. Nous nous retrouvons tous deux dans le même camp, Gondemar : celui où nous ne souhaitons pas être.
    Pendant que je soupesais ces paroles énigmatiques, il fit demi-tour sans rien ajouter et frappa à la porte. Le geôlier s’empressa d’ouvrir. Véran était dans l’embrasure lorsqu’il se retourna, abattu.
    —    Livre la première part à Montfort, mon frère, dit-il. Crois-moi, il en vaudra beaucoup mieux ainsi. Cette folie doit avoir une fin.
    Puis il me laissa dans le noir. Mon frère... Cet homme n’avait plus le droit de m’appeler ainsi. Pas plus que je ne méritais l’appellation.
    Véran avait quitté mon cachot depuis quelques heures lorsque le cliquetis de la serrure retentit à nouveau. La porte s’ouvrit puis se referma sans que j’aie de réaction. Montfort pouvait me faire malmener autant qu’il le voulait. Aussi longtemps que je ne serais pas fixé sur le sort de Cécile, je ne lui donnerais rien.
    Par acquit de conscience, je me décidai à faire face à mon nouveau visiteur. Je restai tétanisé. Dans l’embrasure, un bougeoir à la main, se tenait celle qui avait pris mon cœur. Je restai là, à la regarder. Elle était belle. Propre. En santé. Splendide. Une robe bleue lui donnait l’aspect de la Vierge Marie. On ne lui avait fait aucun mal.
    Elle déposa la chandelle à ses pieds et, les yeux pleins de larmes, m’ouvrit les bras. Je restai figé, tourmenté par les images de moi-même et de Guiburge de Montfort, copulant comme des bêtes dans la taverne de

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