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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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et Ugolin avaient réussi à contacter les Neuf, ces derniers avertiraient certainement Raymond Roger et Roger Bernard de la situation de Cécile. Dès lors, le père et le fils remueraient ciel et terre pour la tirer de là, sans égard à ce qui m’arriverait. Nul doute qu’ils se feraient aussi un plaisir de décorer un mur de leur demeure avec les peaux tannées de Montfort et d’Amaury. Le jeune comte en rêvait depuis longtemps. Mais arriveraient-ils à temps pour la libérer ? D’expérience, je savais que rares étaient ceux qui survivaient longtemps dans ces cachots froids, humides et dénués de tout. Le vicomte
    Trencavel lui-même n’y avait-il pas expiré à petit feu après que le légat l’y avait fait enfermer ?
    Comme l’intervention des Neuf ne s’était pas produite, ce qui était plus clair que jamais, c’était que je devais me diriger vers Montségur, où se trouvait la seule preuve encore existante de la Vérité. Ne pas y aller équivalait à condamner Cécile, et cela, je n’avais aucune intention de le faire une seconde fois. J’avais trop souffert de la première. Même si, au bout du compte, je me retrouvais forcé de trahir les Neuf, je pouvais au moins envisager avec une certaine sérénité une éternité en enfer en sachant que celle que j’aimais vivrait. Je ne pouvais, par contre, imaginer continuer à respirer alors qu’elle n’était plus.
    Impitoyable comme il l’était, Montfort ne me permettrait sans doute rien de plus qu’un bref regard par le guichet de la porte. Il me laisserait apercevoir la déchéance de Cécile pour accroître mon désespoir et s’assurer de mon entière collaboration. Au mieux, peut-être pourrions-nous échanger quelques mots, nous toucher du bout des doigts. Point d’étreinte ni d’embrassades. Point d’échanges. Point de douces paroles, de réassurances ou d’espoir. Surtout, point d’occasion de conspirer.
    Je fus donc pris de court lorsque mes gardes s’immobilisèrent devant la porte d’un cachot et qu’ils l’ouvrirent toute grande. Mon cœur s’emballa comme un jeune étalon à l’idée qu’on me permettait de passer un moment inespéré, seul avec ma tendre amie blottie contre moi. On n’eut même pas besoin de me pousser à l’intérieur. Au contraire, je m’empressai de franchir le seuil. Puis on referma la porte.
    Le cachot était dépourvu de fenêtres et il fallut un moment à mes yeux pour s’habituer à la noirceur, m’attendant à tout moment à recevoir Cécile dans mes bras. Mais rien ne se produisit. J’eus beau tendre l’oreille, je ne perçus même pas un souffle. Lorsque je pus y voir un peu mieux, je dus me rendre à l’évidence : j’étais seul. Ou bien on ne me laisserait pas la voir, ou bien elle n’était pas à Carcassonne. Montfort s’était joué de moi.
    Je me déplaçai dans le noir et mon pied buta contre une paillasse, dans un coin, à même le sol. Je m’y laissai choir. Elle était humide et puait, mais cela m’indifférait. Pour la première fois depuis très longtemps, je laissai jaillir mes larmes. Je pleurai le cruel fardeau qui m’était imposé et les gestes qui m’y avaient mené ; la mort de tous ces gens que j’avais aimés ; mon échec, après tant d’efforts ; la destruction du suaire ; les tromperies et les trahisons ; la Lumière divine que je risquais de ne jamais connaître ; l’absence d’un avenir avec Cécile. Privé du secours de la prière, je n’avais que ma peine.
    Dans le noir, je ne pus mesurer le passage du temps, mais on me laissa assurément languir longtemps. Les heures s’écoulèrent comme les grains de sable d’un sablier, entre l’angoisse à la pensée que Cécile souffrait quelque part et le sommeil troublé dans lequel se réfugiait mon âme meurtrie. Plus que tout, je craignais que ma tendre amie ait été sacrifiée. Paradoxalement, si tel était le cas, je serais libre de rejeter le pacte de Montfort et de protéger ainsi la première part. Sans moi pour la lui ramener, il ne l’obtiendrait jamais.
    Lorsque la porte s’ouvrit avec fracas, ce ne fut pas ma douce amie qui se présenta, mais bien Simon de Montfort, Alain de Pierrepont et Lambert de Thury, qui tenait une torche. Les trois se plantèrent près de moi et je ne leur fis pas l’honneur de me lever de ma paillasse. Je me contentai de m’asseoir et de masquer de mon mieux l’abattement qui s’était emparé de moi.
    — Je veux voir Cécile, exigeai-je sans trop y

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