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Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Titel: Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Luminet
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celle de l’humble berger pour la belle princesse… ou du plus inculte des soudards pour la plus raffinée des femmes.
    Jules César était loin d’être un humble berger. Il se flattait même de descendre d’une des plus vieilles familles romaines. Il n’était pas davantage le plus inculte des guerriers, et le récit qu’il faisait de ses conquêtes était composé dans un latin très pur, à la manière athénienne : jeune homme, il avait achevé ses études dans la cité attique. Quant à te dire, Amrou, s’il était un soudard, je ne suis pas assez féru d’art militaire pour l’affirmer à un aussi brillant général que toi. Mais je sais que ses ennemis vaincus louaient sa clémence.
    César vint à Alexandrie pour arbitrer un nouveau conflit dynastique entre deux frères, qui s’appelaient tous deux Ptolémée, évidemment. L’aîné, bien sûr, avait épousé sa sœur qui, tu l’as déjà compris, s’appelait Cléopâtre – la septième du nom. Ce n’étaient encore que des enfants : Ptolémée XIII, ridiculement paré du titre de Dionysos, dieu du vin et des plaisirs, n’avait que dix ans.
    Les vrais maîtres de l’Égypte étaient les tuteurs du jeune roi : un général, Achillas, qui lorgnait sur le trône, et un eunuque du nom de Pothin. Celui-ci au moins ne risquait pas de fonder sa dynastie. La seule façon pour lui de passer à la postérité était de devenir aussi immortel qu’un livre. Il acheta donc à prix d’or la charge prestigieuse de bibliothécaire. Intrigues, corruption, mutineries, révoltes étaient le lot quotidien du royaume. Chassée par les manœuvres de Pothin et d’Achillas, Cléopâtre dut même se réfugier quelque temps en Syrie.
    Cependant, la République romaine continuait d’accumuler les conquêtes. Elle n’avait plus besoin de se poser en intercesseur des conflits locaux pour occuper les nations qui l’appelaient à son secours. Elle les annexait, purement et simplement, y laissant parfois régner sans gouverner un roi de paille ou un gouvernement fantoche. De-ci de-là, des révoltes éclataient contre l’occupant, révoltes brutalement réprimées. Alors, butins, rançons, esclaves convergeaient vers Rome, comme versés dans un grand entonnoir. Bientôt ne restèrent plus hors de sa tutelle qu’Alexandrie et l’Égypte. Était-ce par un obscur respect pour le glorieux passé du pays des pyramides, du Phare et de la Bibliothèque, que les légions ne s’aventurèrent pas dans notre nation ? N’était-ce pas plutôt parce que les stratèges du Sénat jugeaient que le fruit n’était pas encore assez mûr ou qu’il tomberait tout seul ? Mais le Sénat n’était plus que l’ombre de lui-même. La vertu républicaine du glaive et de la charrue était bien oubliée. Cette caste patricienne recroquevillée sur ses privilèges voyait avec inquiétude le prestige de ses trois principaux généraux grandir auprès du peuple et de l’armée. Aussi, pour éloigner ces trois illustres soldats, leur confièrent-ils à chacun – Crassus, César et Pompée – le tiers des pays conquis.
    Mais nos trois généraux s’accordèrent et se liguèrent contre le Sénat. Rêvant de devenir les maîtres de Rome, ils se partagèrent les postes et les pouvoirs. Devant eux, sans le soutien du peuple et la force des légions, le Sénat n’était plus rien. Crassus fut tué lors d’un affrontement contre les Parthes qui s’étaient révoltés. Ce général était d’une avidité sans bornes, ruinant les provinces dont il avait la charge. Il mourut par où il avait péché : les Parthes lui coulèrent dans la gorge de l’or fondu. Désormais, l’affrontement entre les deux survivants, César et Pompée, était inévitable. Celui-ci avait l’orgueil et la fougue ; celui-là, la patience et l’habileté. César possédait la Gaule sauvage, qu’il avait conquise seul ; Pompée avait le reste en partage, c’est-à-dire la Grèce, l’Asie et l’Afrique, à l’exception d’Alexandrie bien sûr. Entre les deux, Rome. César osa le premier s’y rendre, à la tête de son armée. Le Sénat s’inclina. Pompée, lui, s’enfuit vers la Grèce. Battu par les Hellènes en révolte, il dut fuir à nouveau. Il ne lui restait plus qu’Alexandrie. Il courut s’y réfugier, espérant que César ne l’y poursuivrait pas. Fatale erreur ! En faisant cela, il quittait l’empire, il trahissait Rome. Pompée y perdit ses derniers partisans. La flotte de César

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